dimanche 25 septembre 2011
Malodorantes mallettes
Robert Bourgi, Alexandre Djouhri, Ziad Takeddine… A ce trio d’intermédiaires sulfureux viennent désormais s’ajouter deux autres noms susceptibles d’intensifier le séisme qui menace de transformer la Sarkozie en une sorte de Fukushima. Il s’agit de Thierry Gaubert, dont Caroline Parmentier nous a brossé le portrait dans Présent d’hier, en nous remettant en mémoire les hauts faits de son frère Patrick, des réseaux Pasqua. L’autre, Nicolas Bazire, est un ami encore plus intime de Nicolas Sarkozy. Les deux Nicolas furent en quelque sorte les jeunes capitaines de la garde rapprochée d’Edouard Balladur, lorsque ce dernier, devenu Premier ministre de François Mitterrand (du 29 mars 1993 au 11 mai 1995), s’apprêtait à trahir Jacques Chirac. Les deux Nicolas allaient être aux commandes des grandes manœuvres balladuriennes. Avant que les ambitions du Premier ministre ne se fracassent sur la fracture sociale de Jacques Chirac.
Thierry Gaubert a commencé sa carrière politique à la mairie de Neuilly, conquise à la hussarde en 1984 par Nicolas Sarkozy, dont il deviendra en quelque sorte l’indispensable factotum durant une dizaine d’années, le suivant même, en 1993, en tant que chargé de mission, au ministère du Budget. Puis Gaubert abandonnera la politique pour se consacrer à l’immobilier. Après un premier mariage avec l’héritière du prestigieux groupe Barrière (palaces, casinos, et autres établissements haut de gamme, dont le Fouquet’s), il épousera en seconde noce Hélène de Yougoslavie, princesse de sang, qui ensuite, dans le contexte d’un divorce tumultueux, livrera à la justice des documents dangereux pour son ex-mari. Et, par ricochet, pour les amis de ce dernier. Notamment MM. Bazire, Copé, Hortefeux, et Takieddine. En 2008, Thierry Gaubert avait déjà été mis en examen, pour, entre autres peccadilles, « abus de bien sociaux et escroquerie dans une affaire immobilière concernant la collecte et l’utilisation du 1 % logement dans les Hauts-de-Seine ». Le voici en outre rattrapé, grâce à une épouse rancunière, par son passé politique aux côtés de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Bazire, après l’échec d’Edouard Balladur, dont il avait été le directeur de cabinet à Matignon, s’était retiré lui aussi de la politique. Il tracera son chemin dans la finance (notamment à la banque Rothschild), avant de devenir directeur général du Groupe Arnault, « holding de la plus grande fortune de France ». Comme Ziad Takieddine avec lequel il avait gardé des liens amicaux, Bazire se voit aujourd’hui mis en examen à propos du financement occulte de la campagne d’Edouard Balladur. « L’autre » Nicolas était également demeuré très proche du président de la République. Il fut même son témoin lors du mariage de celui-ci avec Carla Bruni.
Des amis amnésiques
Troisième mis en examen dans cette affaire de financement illégal d’un présidentiable, Ziad Takieddine. Résidant à Monaco, il entretenait au début des années 1990 des liens étroits avec la famille princière, tout en côtoyant également de nombreux politiciens de la Côte d’Azur, dont François Léotard. Bonne pioche, puisque celui-ci, en mars 1993, devenait ministre de la Défense du gouvernement Balladur. Récapitulons : Balladur, Premier ministre, son directeur de cabinet Nicolas Bazire, François Léotard ministre de la Défense, Nicolas Sarkozy ministre du Budget… C’est sous ce quatuor que Ziad Takieddine, au demeurant homme affable, cultivé et doué, va commencer sa mirifique carrière d’intermédiaire de l’ombre dans de gros contrats internationaux, tournant autour de ventes d’armes. « Hier hommes politiques, patrons des médias et chefs d’entreprises dînaient dans son hôtel particulier de 700 mètres carrés avenue Georges-Mandel à Paris, ou faisaient trempette dans ses piscines du Cap d’Antibes. Aujourd’hui les mêmes se bouchent le nez. » Ils se sont trop mouillés dans les piscines de sa villa ? L’intermédiaire de la vente de sous-marins au Pakistan, dont les retombées sont peut-être à l’origine de l’attentat de Karachi après que Chirac, élu président, a bloqué le versement des rétrocomissions, est devenu trop compromettant.
Malheureusement pour ces amnésiques, Ziad Takieddine était marié à une anglaise, Nicola Johnson. Celle-ci, après un divorce conflictuel, a par vengeance, tout comme l’épouse de Thierry Gaubert, transmis certains documents à la justice. Notamment des photos qui montrent l’intermédiaire que plus personne ne veut connaître, en compagnie d’hommes politiques français, dont les couples Copé et Hortefeux, le député Estrozy, Gaubert bien sûr… Et d’autres princes en goguettes de la Sarkozie. Quel malheur d’avoir une femme qui divorce !
Dans cette affaire pleine de grenades à retardements, on discerne les séquelles, et peut-être le dénouement de la guerre sans merci à laquelle se sont livrés Balladuriens et Chiraquiens au début des années 1990 pour la conquête du pouvoir. Une guerre notamment relancée par les déclarations de Robert Bourgi. Et l’acharnement des juges.
Nicolas Sarkozy méprise sans doute autant les romans de Paul Bourget que la Princesse de Clèves. Pourtant un titre de cet écrivain devrait au moins retenir son attention : Nos actes nous suivent. Et nous rattrapent. Pour prendre une image plus en rapport avec la culture de l’actuel chef de l’Etat qu’un roman de Marie-Madeleine de Lafayette ou de Paul Bourget, disons que cette affaire ressemble à un dessin animé farfelu où l’on verrait tout un tas de mallettes aux crocs de requins grimper furieusement les marches de l’Elysée pour aller mordre les mollets du président de la République.
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