Magistrats, avocats, ministère de la Justice, journalistes... tout le monde viole allègrement le secret de l'instruction quand il y trouve son intérêt. Pourquoi en irait-il autrement pour l'affaire Karachi ?
L’époque aime savoir, la transparence est un veau d’or. Aussi absurde qu’une lionne qui imposerait à ses petits d’être végétariens, la loi impose encore le secret de l’instruction. Et la nature humaine s’en affranchit naturellement. Et cela durera aussi longtemps que la justice restera humaine et que ce ne seront pas des machines qui nous jugeront de manière automatique ,ce qu’à Dieu ne plaise.
Et le pire c’est que, oui, chacun aura toujours ses bonnes raisons : l’intérêt du client pour l’avocat ; la sortie d’une paralysie dans un dossier pour un juge ; le poids de la hiérarchie pour un procureur. Et plein d’autres encore qui vont du renvoi d’ascenseur à la médisance, du combat politique ou idéologique à la soif médiatique ou à l’importance qu’on veut se donner.
Et quand le secret de l’instruction - ou de l’enquête - n’est pas violé il n’y a qu’une seule alternative : soit il n’y a rien d’intéressant à révéler - parce que n’oublions pas que la presse, pour publier, veut du scoop , du nouveau, du croustillant, pas du réchauffé ou du déjà vu -, soit personne dans la longue chaîne judicaire n’a d’intérêt direct à faire de telles révélations. Et c’est sur ce second point que le bât blesse et que tout devient illusoire. Comment concevoir dans un processus judiciaire, qui est une catharsis et le lieu de purgation des passions humaines parfois les plus viles, que personne n’ait d’intérêt à « faire passer une info » dès lors que vous êtes en présence justement d’intérêts si diamétralement opposés : entre une victime ou un collectif de victimes qui se plaint - à tort ou à raison -, un procureur qui poursuit - ou pas - , des policiers qui enquêtent - sous l’autorité du précédent… -, un juge qui instruit - quand on veut bien l’y autoriser -, un mis en cause qui se défend - toujours - et des témoins qui se souviennent - plus ou moins bien...
Les affaires dites politiques n’échappent pas à la règle bien évidemment, elles sont même le révélateur de ces luttes contradictoires mais elles font courir en plus, par leur nature même, le risque évident de l’emballement, de l’amalgame et de la vindicte.
Alors oui, dans ces affaires là, on viole aussi le secret de l’instruction à tous les niveaux : dans les rédactions, dans les dîners en ville, en aparté d’une audience, dans les couloirs des palais, des commissariats ou des entreprises du CAC 40, dans les antichambres des ministères et même sur les oreillers.
Et s’en indigner est d’une rare hypocrisie dès lors que la loi crée, elle-même, les conditions de sa propre violation en prévoyant que la partie civile n’est pas soumise au secret de l’instruction et que les Parquets sont placés sous l’autorité du Ministre de la justice. Ajoutez à ce déséquilibre le secret salutaire des sources des journalistes permettant à tous de se croire à l’abri et vous aurez la recette parfaite de révélations parfois justes, parfois anarchiques, contradictoires et souvent instrumentalisées. C’est à qui aura la source « la plus proche de l’enquête » comme on dit. Et parfois cette information n’est pas immédiatement publiée mais circule complaisamment entre personnes dites « intéressées » ; et cela s’appelle plus que de la rumeur. Et cette proximité des différentes sources - plus ou moins fiables - est un fait. Incontournable. Je ne sais s’il faut le déplorer mais ce qui est certain c’est que ça ne changera pas de sitôt et que les récents cris d’orfraies ont les accents du discours partisan, naïf et peut-être malhonnête.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire