Evidemment, c’est un petit tsunami mais, franchement, on l’avait vu venir.
Le sondage qui a placé Marine Le Pen en tête des intentions de vote pour le 1 er tour de la présidentielle est le fruit mûr d’un climat à la fois anxiogène et exaspéré, entretenu par la crise économique, les bouleversements historiques en Afrique du Nord, les affaires, les vacances de MAM, les scandales du PS dans les Bouches-du-Rhône et le discours politique inquiétant décliné par l’Elysée depuis de longs mois.
La crainte de l’insécurité, complaisamment scénarisée par le pouvoir, le rejet des Roms, désignés à la vindicte populaire au cœur de l’été, l’appréhension d’une vague d’immigration venue du sud de la Méditerranée, la stigmatisation de l’islam, qui mettrait en péril l’identité nationale: quand on fait, en permanence, la promotion des idées et des produits du Front national, il ne faut pas s’étonner que l’opération profite au final à sa représentante la plus authentique.
«On préfère toujours l’original à la copie», a toujours raillé Jean-Marie Le Pen. Sa fille ramasse d’autant mieux la mise qu’elle a du talent, ne fait pas peur et, contrairement à son géniteur, contrôle ses pires dérapages.
Quoique... hier elle ait failli glisser vers l’outrance paternelle en faisant le rapprochement entre les dirigeants usés du Maghreb et ceux de la France.
Les 23% de la nouvelle présidente du Front comptabilisent le double échec moral et stratégique du chef de l’Etat. On pourrait faire, cruellement, un cinglant bilan churchillien du jeu de Nicolas Sarkozy. Non seulement il a reperdu toutes les voix d’extrême droite qu’il avait siphonnées en 2007, mais c’est son propre électorat qui est à son tour happé par les pompes aspirantes du FN.
Le phénomène était prévisible et annoncé, pourtant. La compromission idéologique se retourne presque toujours contre celui qui l’initie.
Paniquée -on le serait à moins- la majorité UMP peut quand même relativiser l’importance de ce coup de semonce. 14 mois c’est encore loin, effectivement, et Nicolas Sarkozy va forcément réagir.
Ce premier sondage lui-même, qui ne prend en compte que l’hypothèse la plus défavorable à l’UMP et au PS (pas de DSK à gauche et un Villepin handicapant à droite), est sujet à caution. S’il a atteint son objectif -créer un énorme buzz- il appartient à cette catégorie d’enquêtes bas de gamme et aux résultats éphémères qui inondent les médias.
La campagne promet d’être exaspérante si elle est polluée, à raison d’une vingtaine par semaine, par ces «tests» sensationnels, pas toujours honnêtes et parfois contradictoires, qui manipulent l’actualité et dévoient le débat.
Votée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi qui doit faire le ménage dans le cirque sondagier est sur le bureau du président de l’Assemblée nationale. Trop tard...
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