TOUT EST DIT

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lundi 7 mars 2011

L'Arabie saoudite peut-elle se réformer ?


Si vous avez du pétrole, vous pouvez acheter la tranquillité de votre peuple. Si votre légitimité est d'ordre dynastique, vous êtes moins vulnérables que si tel n'est pas le cas. » Au fil des semaines qui passent, de telles hypothèses considérées hier comme allant presque de soi semblent avoir perdu de leur autorité. La Libye pas plus que le Bahrein et même dernièrement le Sultanat d'Oman n'échappent à la vague de contestation. Le pétrole n'est pas seulement une « malédiction » pour les pays producteurs - à l'exception notable de la Norvège -dans le sens où sa possession encourage toutes les formes de corruption sinon de paresse. L'argent du pétrole ne suffit pas non plus à garantir la stabilité politique de pays dont les habitants veulent être traités comme des citoyens et pas comme des serfs, sans avenir et sans espoir.


Les leçons de la Libye et de Bahrein sont particulièrement importantes pour un pays clef de la région, l'Arabie saoudite. Les frustrations économiques et sociales renvoient à des revendications proprement politiques. « L'homme ne vit pas que de pain. » Les milliards mis de côté par le roi d'Arabie saoudite pour « acheter » au prix fort la paix sociale et politique ne peuvent suffire. Pour des pays aussi divers que l'Arabie saoudite ou le Maroc, la clef de la survie de la monarchie passe par une réforme politique profonde. Le « système Khadafi » en Libye ne pouvait en aucun cas être réformé, sa famille étant aussi dysfonctionnelle que le colonel lui-même. Tel n'est pas fatalement le cas de l'Arabie saoudite ou du Maroc. La dynastie saoudienne a surmonté successivement le défi du panarabisme de l'Egypte de Nasser et les tentatives de l'Iran des ayatollahs pour exporter leur révolution. Pour ce faire, la monarchie saoudienne s'est appuyée bien sûr sur les revenus du pétrole, sur l'alliance privilégiée avec les Etats-Unis, sans parler de l'intervention des gendarmes français à La Mecque en 1979. Mais elle s'est appuyée plus encore sur une légitimité d'ordre monarchique et religieux à la fois, sur l'alliance qui existe entre « la Maison de Saoud » et les autorités religieuses Wahhabites. Certes, cette alliance est source d'ambiguïté. Elle fonde le contrat social qui existe entre la monarchie et le peuple saoudien, mais elle rend aussi toute évolution difficile. L'Arabie saoudite a terriblement besoin de ré-formes politiques, de réformes sociales et culturelles. La condition des femmes y est non seulement inacceptable : elle constitue pour le devenir du pays un grave handicap. De la même manière, des réformes de la justice et de l'éducation s'imposent avec urgence. Le pétrole fournit de la richesse, mais ne crée pas d'emplois. La jeunesse saoudienne a besoin elle aussi de dignité, de respect, d'espoir. La stabilité de l'Arabie saoudite, tout comme celle de la Jordanie ou du Maroc passe par une réforme institutionnelle profonde. La solution est claire, elle paraîtrait presque de bon sens à un Européen du Nord : une forme de monarchie constitutionnelle adaptée bien sûr aux besoins et aux cultures locales. A terme, en effet, ce système peut sembler pour ces pays de tradition monarchique comme la forme la moins vulnérable, et donc la plus moderne de régime. Un tel système permet, sur le papier au moins, de distinguer entre le détenteur symbolique du pouvoir et son détenteur réel, évitant ainsi une centralisation certaine et excessive du pouvoir, source de fragilité. La monarchie persiste comme source de légitimité, mais elle s'autolimite pour survivre. Montesquieu écrivait hier les « Lettres persanes » pour faire réfléchir les Européens sur eux-mêmes. Plus de deux siècles plus tard, la lecture de Montesquieu s'imposerait-elle aux monarques présents d'Arabie et du Maghreb ? Une telle évolution est sans doute nécessaire, mais est-elle vraiment possible ? Prendre ses distances avec les autorités religieuses pour faire avancer la société sur le chemin des réformes et de la modernité est-il compatible avec le maintien de la légitimité religieuse, quasi sacrée du monarque ? La voie est certes étroite, mais y en a-t-il d'autres ?


Une telle transformation suppose des monarques éclairés et volontaires. Sur ce plan, pour des raisons d'âge et de santé, on pourrait légitimement être plus inquiet pour l'Arabie saoudite que pour le Maroc ou la Jordanie.

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