lundi 7 mars 2011
Résistance à l'oppression, un droit méconnu
Aspiration à la liberté et à l'expression, revendication d'égalité réelle, ras-le-bol de la corruption et du népotisme : l'essentiel a été dit, ici même, sur les racines du soulèvement dans le monde arabe. Émus, inquiets aussi, nous cherchons à comprendre le formidable mouvement qui secoue ces pays.
Nous prêtons moins attention à un droit que ces peuples ont exercé, sans le clamer haut et fort, mais avec une inébranlable résolution : le droit de résistance à l'oppression. Autrement dit, le droit que des citoyens ou une nation se reconnaissent d'entrer en dissidence contre un pouvoir politique qui trahit sa mission. Ce droit concerne tout régime, y compris démocratique.
Déjà, la Déclaration des droits de l'homme de 1789 l'énonçait dans son article 2 et le classait, avec la liberté, la propriété et la sûreté, parmi les « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Sans aller aussi loin, la Déclaration universelle de 1949 a veillé, dès son Préambule, à ce que « les droits de l'homme soient protégés... pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ». C'est exactement la situation actuelle où un seuil critique a été atteint. Dès lors, l'indignation longtemps contenue est devenue déferlante protestataire.
Ainsi naissent les révolutions, au nom de principes et valeurs tenus pour supérieurs aux États, c'est-à-dire à la volonté des gouvernements. Comme le disait Clermont-Tonnerre, député de la noblesse qui avait voté l'abolition des privilèges en 1789, le droit de résistance confronte les droits naturels, qu'on éprouve de manière évidente, et la loi en vigueur à un moment donné.
Mais ce lien peut être dangereux ! Au point que beaucoup de juristes refuseront d'y voir un vrai droit : le droit de subversion n'en est pas un. Léon Duguit, grand penseur de l'État, avait montré cet embarras. Il commence par déclarer, en 1903, qu'« un gouvernement tyrannique est une force brutale ; toute force qui s'élève contre lui, dans le but d'assurer le respect du droit, est parfaitement légitime ». Mais quelques années plus tard, devant des auditeurs égyptiens ¯ coïncidence ! ¯ il recule : « Il n'est pas permis au juriste de formuler comme principe le droit à l'insurrection contre un gouvernement oppresseur. »
Et pourquoi ? Tout simplement parce que ce droit peut être un ferment d'anarchie. Souvenons-nous des commandos anti-IVG qui, il y a une vingtaine d'années, s'en réclamaient pour bloquer l'application de la loi Veil de 1975. Et aujourd'hui, les « désobéissants » organisés en mouvement l'invoquent pour justifier l'objection opposée à tel ou tel texte. José Bové a théorisé son combat anti-OGM dans son livre Pour la désobéissance civique (La Découverte). On parle aussi de « résistance éthique ».
Le droit de résistance fonde l'acte rebelle (1). Mais à partir d'où et de quand devient-il légitime ? Là est la question, sans réponse certaine. Mais quand le doute n'est pas permis ¯ c'est le cas, bien sûr, au Caire et à Tripoli ¯ ce droit est formidablement libérateur.
(1) Lire l'excellent livre de Jérôme Cordelier, Rebelles de Dieu, chez Flammarion.
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