C'est un petit carré de silicium d'un centimètre de côté qui contient le monde entier. Plus d'un milliard de transistors sous sa surface, serviteurs dociles de l'homme pour commander à la machine. Supprimez-les et la société moderne décervelée s'effondra d'elle-même : plus d'ordinateurs, de téléphone, d'avions, de voitures, d'Internet, d'usines, d'hôpitaux. Ce secteur relativement modeste, de l'ordre de 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans le monde tient sur ses épaules près de 10 % de l'économie mondiale. C'est ce que l'on appelle une technologie clef, comme l'a été la sidérurgie aux XIX e et XX e siècles, au même titre que la science des matériaux ou les biotechnologies. Tous les Etats du monde tentent de les maîtriser, peu y parviennent sur le long terme.
Car outre leur aspect « stratégique », ces briques de base de la société moderne partagent deux caractéristiques fondamentales : elles sont en évolution constante et les coûts de production s'envolent à chaque nouvelle génération. Une usine de production de semi-conducteurs coûtait 70 millions de dollars d'investissement en 1980, contre 4 milliards aujourd'hui et 10 milliards de dollars en 2020. Le prix de trois centrales nucléaires pour une installation qui sera obsolète en moins de dix ans.
Qui pourra alors se payer de telles usines ? Actuellement, seul l'américain Intel, assis sur la rente du PC, en a réellement les moyens. Deux spécialistes s'accrochent, le coréen Samsung dans les mémoires et le taïwanais TSMC dans le travail à façon. Les autres, japonais ou européens n'auront bientôt plus la capacité de suivre. Le seul choix qui s'offre à eux est d'abandonner leurs usines pour ne faire que de la conception ou mutualiser leurs moyens de production, voire fusionner comme le font les japonais. C'est là que l'on rejoint la géopolitique. L'électronique est l'un des rares domaines de la haute technologie où l'Europe dispose encore de toute la chaîne de valeurs, du constructeur de machines aux grands électroniciens comme STMicroelectronics ou Infineon en passant par des pôles de niveau mondial comme à Grenoble ou Dresde. Abandonner une telle filière aura des conséquences en termes de capacité de recherche mais aussi de compétitivité de toutes les industries en aval. Ici aussi, l'Europe n'a pas d'autre choix que celui de l'union. Si elle veut encore exister sur le plan industriel, elle doit tout mettre en oeuvre pour sauver sa filière électronique. Et pour une fois, il n'est pas trop tard.
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