TOUT EST DIT

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mardi 8 mars 2011

L’instabilité est pathologique

Sur la question des relations avec l’UE, le gouvernement suisse "ne sait pas bien ce qu’il veut", explique Le Temps en citant le parlementaire Maximilian Reimann.  L’option de l’adhésion est repoussée par une majorité de Suisses, convaincus avec la crise de l’euro d’avoir fait le bon choix en restant à l’écart de l’Union. Le scénario "à la norvégienne" de rejoindre l’Espace économique européen (EEE) réveillerait le spectre de son refus en votation populaire le 6 décembre 1992. En même temps, il est impensable pour le pays alpin de rompre avec le marché intérieur de son premier partenaire économique, qui accueille près de 60% des exportations "Swiss made". Les exportateurs font d’ailleurs pression pour trouver des solutions à l’épineuse question du franc fort face à l’euro, qui mine leurs frais et diminue leur compétitivité.

Les sept sages du Conseil fédéral naviguent donc en eaux troubles, forcés de trouver un consensus acceptable aux yeux des "Neinsager",  tout en maintenant de bonnes relations, confinées au pragmatisme, avec Bruxelles. Comme le rapporte Le Figaro, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a jugé le réseau actuel des accords bilatéraux entre l'UE et la Suisse "complexe et lourd à gérer" à l'issue d'une rencontre avec la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey le 8 février dernier. Arrivés en bout de course dans leur forme actuelle, ces accords élaborés dans l’urgence après le refus de l’EEE par le peuple suisse en 1992 sont en voie d’institutionnalisation.
Bruxelles a accepté  l’idée de négocier un nouveau paquet de "Bilatérales III" [après les accords de 1999 et 2004] avec la Suisse. Problème : entre Berne et Bruxelles, les divergences de fond sur la question institutionnelle demeurent. "Avant de négocier d’autres ouvertures au marché européen pour la Suisse, l’UE veut absolument de la part de cette dernière une application de l’évolution du droit européen. Du côté suisse, on refuse d’envisager toute reprise automatique qui signifierait un abandon inacceptable de souveraineté."
Passée au second plan lors des soulèvements en Afrique du Nord, c’est pourtant bien la politique européenne qui sera "la première préoccupation du Conseil fédéral et des diplomates en ce mois de mars", poursuit Le Temps. Le gouvernement devra notamment décider de ce qui sera inclus dans le paquet de négociation des Bilatérales III. Ce ne sera pas chose aisée : "Les milieux paysans, par exemple, s’opposent au libre-échange agricole pour lequel economiesuisse [Fédération des entreprises suisses] a de l’intérêt. L’association patronale ne veut pas ouvrir le dossier fiscal, mais serait prête à négocier sur l’accord Reach pour les produits chimiques et la question de l’électricité."
Le jeu du chat et de la souris risque donc fort de se prolonger entre Berne et Bruxelles et les allers-retours diplomatiques entre les deux capitales de se multiplier.  "Je repars de Bruxelles avec une mission presque impossible", a déclaré Micheline Calmy-Rey après sa rencontre avec M. Barroso en février. Mais le grand écart n’est pas nouveau : l’instabilité  caractérise de facto le mariage de raison entre un grand ensemble qui évolue rapidement et une petite nation jalouse de ses prérogatives. Peut-être est-il faux de vouloir régler "une fois pour toutes" les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Le premier pas vers une meilleure collaboration consisterait d’abord à abandonner cette illusion.

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