TOUT EST DIT

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mardi 8 mars 2011

La vraie chance de la France

Depuis le début de l'année, une requête de Guy trottait dans la tête. Impossible d'y échapper. Guy fait l'un des métiers les plus durs qui soient : éleveur de vaches laitières. Et, en plus, il anime une grosse coopérative, l'un de ces regroupements d'agriculteurs souvent accusés de tous les maux alors qu'ils s'efforcent de faire le pont entre la logique du producteur et celle du marché. Dans ses voeux, au début de l'année, il avait un message simple : sortez de la sinistrose ! Pas facile quand on est journaliste. Les trains qui arrivent à l'heure n'ont jamais fait vendre de journaux. Mais le message de Guy est vital. Alors, pour une fois, laissons de côté le chômage, la société de défiance, l'incurie budgétaire, l'Etat paralysé, les usines qui ferment et oublions jusqu'au sondage donnant Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle.

Car, malgré tous ses malheurs, la France a des chances formidables. Tout peut y arriver, même le meilleur. Le soleil semble par exemple avoir redécouvert l'existence de Paris après des mois d'ignorance. Un autre éclairage fait lui aussi chaud au coeur. Il vient de deux livres parus la semaine dernière sur notre potentiel économique, avec des angles très différents et finalement complémentaires. Le premier est « macro » et étatiste. Il affirme que « Les Trente Glorieuses sont devant nous » - c'est son titre (éditions Rue Fromentin). Karine Berger et Valérie Rabault, deux jeunes femmes économistes travaillant dans la finance, expliquent que la France peut aller deux fois plus vite qu'au cours des années 2000. Elles appellent à un Etat planificateur et investisseur. On peut ne pas être convaincu par l'efficacité d'un emprunt de près de 100 milliards d'euros pour financer de nouvelles dépenses publiques servant à mieux préparer l'avenir (le montant auquel rêvait Henri Guaino, le conseiller de Nicolas Sarkozy, quand il a inventé le grand emprunt). Mais l'essentiel est dans la posture : oui, nous pouvons agir collectivement et avoir une croissance plus forte, oui, c'est souhaitable.

Le deuxième livre, lui, est plutôt « micro » et libéral - son auteur préférerait sans doute le qualificatif d'« entrepreneurial ». Michel Godet, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, a rassemblé des « Bonnes Nouvelles des conspirateurs du futur » (éditions Odile Jacob) : quatorze histoires de réussites étonnantes. Ca commence par l'incroyable parcours de Bachir Kerroumi, né à Oran en 1959, entré clandestinement en France en 1975, devenu aveugle deux ans plus tard, docteur en économie et aujourd'hui responsable des études économiques à la Ville de Paris. Suit la renaissance d'un village auvergnat autour du tourisme, l'efficacité d'un patron de caisse de Sécurité sociale, et aussi le succès d'entreprises comme L'Occitane ou Sodebo. L'idée, ici, est que le changement vient d'en bas. Reste à le laisser monter.

Les auteurs des deux livres insistent sur un point crucial : il faut encourager la créativité, essentielle pour réussir dans la société de l'information et de la connaissance. Ils auraient pu souligner que la France détient ici un atout décisif. Car, pour réussir dans ce monde nouveau, la créativité ne suffit pas. Il faut savoir l'associer avec de la rigueur. Et ça, les Français savent très bien le faire. Mieux que les Allemands, surtout rigoureux, davantage que les Italiens, souvent créatifs, plus que les Britanniques, d'abord pragmatiques, autant que les Américains, dont les ancêtres sont venus de partout. Le président d'Essilor, Xavier Fontanet, emploie une expression concise pour désigner cet atout : « des maths et du pif ». Ca va au-delà. Les Français trouvent facilement à travailler de l'autre côté de l'Atlantique (sans doute trop) dans la mathématique financière et l'informatique, mais aussi dans le jeu vidéo ou les effets spéciaux au cinéma. Et ce mélange de rigueur et de créativité est au coeur des activités complexes où les entreprises françaises sont parmi les leaders mondiaux (aéronautique, travaux publics, eau...). La vraie chance de la France est là. Elle s'enracine dans notre histoire, notre langue, notre système éducatif (sans doute philosophie au lycée, classes préparatoires). Si nous parvenons à préserver, à développer et à exploiter cette force, alors la France sera l'un des pays les mieux placés au monde pour réussir dans l'économie du XXI e siècle.

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