vendredi 4 mars 2011
Islam : les risques du débat
Faut-il, et comment, ouvrir un débat pour encadrer les pratiques de l'islam en France ?
Sans céder à une certaine psychose, encore moins fondée dans l'Ouest qu'en banlieue parisienne ou dans le Midi, il faut regarder la réalité en face. Il n'est pas normal de barrer une rue pour prier, de délivrer des prêches radicaux et en arabe, de mettre en cause la mixité des piscines, de refuser des soins hospitaliers pour cause de religion ou d'empêcher d'enseigner la Shoah.
Cela dit, le moment choisi pour en parler ne tient pas du hasard. Il coïncide avec un mouvement de fond : nous sommes entrés, à cause de la crise et de la mondialisation, dans un doute identitaire sans précédent. La peur du monde qui nous entoure prend de la consistance au fur et à mesure que les mosquées se remplissent, que les églises se vident et que s'accroît la visibilité de rituels religieux, de tenues vestimentaires et de pratiques culturelles vécus comme intrusifs.
Ce moment coïncide ensuite avec une actualité qui rend l'opinion encore plus réceptive. La menace d'une immigration maghrébine, pour l'instant très limitée, fournit le prétexte à une dramatisation politique.
La tenue d'une convention UMP sur « l'islam de France », avalisée par l'Élysée, a été précédée, hier, au Puy-en-Velay, d'un rappel présidentiel, factuel mais pas innocent, de l'importance de l'héritage chrétien du pays. Tout ceci le jour où paraît, au Journal officiel, la circulaire contre le port de la burqa.
L'approche de la présidentielle incite naturellement à consolider le socle traditionnel de la majorité. Mais ces messages, parce qu'ils sont concomitants et délivrés à ce moment particulier, contribuent à réduire l'islam, et les six millions de musulmans, à un problème. Comme pour le fameux débat sur l'identité nationale, il en résulte un tapage suspect autour d'une question dont les réponses exigeraient surtout une mise en oeuvre discrète et apaisée.
Car à force de désigner, on finit par encourager les réflexes communautaristes que l'on veut combattre et par aggraver la situation que l'on prétend régler à coup de joutes médiatiques. La défense de la laïcité doit, au contraire, chercher à concilier le droit individuel à une croyance et à une pratique religieuse avec le vivre ensemble.
Pour agir, il existe des outils. L'esprit de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, qui garantit le libre exercice du culte dans le respect d'autrui, ne justifierait-il pas que l'on construise des mosquées, que l'on ouvre des voies contrôlées de financement des lieux de culte et de la formation des imams ?
Les lois et arrêtés existants permettent d'intervenir partout où l'espace public est concerné. Enfin, mais on parle moins des réussites que des échecs, il existe des politiques urbaines où la mixité de l'habitat permet un meilleur mélange social, une dilution des pratiques et une sorte de laïcisation de l'islam.
En tout cas, il n'y aurait rien de pire que de multiplier des lois répressives et inappliquées rue Myrha, à Paris, ou sur le marché de Vénissieux. Rien de pire que d'occuper l'espace politique pour moins parler du chômage ou de la situation sociale des jeunes. Rien de pire, sauf pour l'extrême droite.
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