lundi 14 février 2011
La politique en noir et blanc
Un nouveau bras de fer est engagé entre Nicolas Sarkozy et le monde judiciaire. Le terrain était bien préparé par de multiples incidents passés, qu'il s'agisse du bon mot du président assimilant les juges à des « petits pois », de son fréquent dédain à l'égard des avis rendus par le Conseil supérieur de la magistrature sur la carrière des magistrats du parquet ou des crises d'urticaire déclenchées place Vendôme par son ancienne protégée, Rachida Dati.
Cette fois-ci, ce sont ses propos sur l'épouvantable meurtre de la jeune Laëtitia près de Nantes qui braquent toute la profession. La fronde va même au-delà puisque - fait rarissime -des syndicats de policiers se sont déclarés solidaires des magistrats, alors que ces deux professions se regardent d'ordinaire comme chien et chat. Ce qui les révulse est que le président ait pu déclarer, avant qu'aucun rapport d'enquête ne soit rendu, qu'il y a eu des « dysfonctionnements graves côté justice et côté police » et qu'il y aurait « des sanctions contre ceux qui ont couvert ou laissé faire » la faute de laisser sortir de prison le futur meurtrier sans assurer une surveillance suffisante.
Il est possible qu'il y ait eu faute ; l'enquête le dira. Mais le plus probable est que les services judiciaires n'aient pas eu les moyens de surveiller de près un individu qui n'était pas considéré jusque-là comme particulièrement dangereux. Un tel scénario ne cadre évidemment pas avec la filmographie politique en noir et blanc de Nicolas Sarkozy : les bons et les méchants, ceux qui se lèvent tôt et les autres, les citoyens paisibles et les terroristes, les victimes et les juges laxistes. Cette simplification extrême de la réalité lui a sans doute permis de gagner en 2007. Il n'est pas sûr que cette rhétorique binaire fonctionne à nouveau en 2012. D'abord parce que de nombreux électeurs ont compris que les vrais problèmes sont beaucoup plus complexes et que le risque zéro n'existe pas. Ensuite parce que, à ce jeu du simplisme, il trouvera plus fort que lui : Mélenchon sur le terrain économique et social, Marine Le Pen sur le terrain sécuritaire.
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