Les commentaires sur les péripéties touristiques de Michèle Alliot-Marie et François Fillon en Tunisie et en Égypte ont fini par faire oublier l’essentiel: la France a-t-elle encore une politique arabe qui lui permettra de rayonner, dans les années à venir, dans cette partie du monde?
Si on ne se référait qu’aux derniers épisodes de la diplomatie française, on pourrait en douter. De son spectaculaire cafouillage durant la révolution du jasmin au service minimum qu’il a observé pendant toute la révolte du Caire, le quai d’Orsay a semblé aux abonnés absents. Comme pétrifié par un attentisme durable. Presque apathique parfois devant des événements qui concernaient pourtant sa zone d’influence directe. Sur l’Algérie, où la cocotte-minute des exaspérations est prête à exploser, a-t-il seulement un discours?
Est-ce un choix? Ce serait celui de la prudence érigée en atout dans une période où le manque de visibilité historique à court terme rend particulièrement téméraire toute stratégie internationale. Nicolas Sarkozy a volontiers raillé l’insistance de Barack Obama à obtenir le départ d’Hosni Moubarak, et la précipitation avec laquelle la CIA a annoncé prématurément sa démission. Au fond, il reste réservé sur l’avenir d’un bouleversement radical dans le plus peuplé des pays arabes. Le retard avec lequel il a sobrement salué l’événement puis l’hommage au «courage» du Raïs rendu par son Premier ministre trahissent un réel embarras.
L’accélération de l’histoire, en effet, met un peu plus en péril une grande ambition française: l’Union pour la Méditerranée. Une très belle idée, moderne et ouverte, qui -à supposer qu’elle se concrétise- pourrait tourner la France vers le Sud et non plus seulement vers l’Est et le Nord. Son partenaire principal pour porter ce concept flou mais généreux n’était autre... qu’Hosni Moubarak et la chute de l’autocrate fissure les fragiles fondations de l’édifice.
La France, qui nourrissait tant d’ambitions, voit son rôle rétrécir comme peau de chagrin. Même au Liban, elle n’a rien pu faire pour empêcher le clan Hariri de perdre la présidence du conseil face au candidat soutenu par le Hamas et la Syrie. Pendant ce temps, la Turquie d’un côté, l’Iran de l’autre, rétrécissent inexorablement l’espace de la diplomatie européenne au Moyen-Orient... que Washington n’hésite plus à empiéter.
Paris doit impérativement, et sans délai, nouer des liens avec les démocraties en devenir à Tunis et au Caire. C’est sa chance, mais comment s’y prendre? Son problème, c’est que tout son logiciel diplomatique réglé sur des coopérations pragmatiques avec les régimes autoritaires des rives de la Méditerranée est à revoir. Il faudra faire vite. Est-ce seulement envisageable avec une ministre des affaires étrangères aussi affaiblie?
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