TOUT EST DIT

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vendredi 28 janvier 2011

Onde de choc


Révolution à Tunis. Manifestations au Caire. Tensions à Alger, Amman et Sanaa. Le doute n'est plus permis. Depuis le 14 janvier, jour de la fuite de Ben Ali, l'onde de choc de la révolte tunisienne parcourt l'ensemble du monde arabe. À la vitesse du Web, les slogans fusent d'un pays à l'autre. Partout, une même colère contre la vie chère, le chômage des jeunes, l'absence de libertés, la corruption. Partout, un même contraste entre de jeunes populations et de vieux régimes autocratiques. La chute de Ben Ali a marqué un point de rupture, qui était manifestement désiré et attendu par les sociétés civiles.


Cette rupture est en train de bouleverser de nombreux équilibres, au sein de ces sociétés, comme dans les dynamiques régionales et l'attitude des puissances occidentales à l'égard de régimes alliés. Les points communs entre Tunis et Le Caire sont nombreux, mais les distinctions tout aussi nécessaires. Car si le changement est demandé d'un même élan, les répercussions d'une déstabilisation sont sans commune mesure.


En Tunisie, plusieurs facteurs plaident en faveur de l'émergence d'un laboratoire démocratique. Par ses dimensions (dix millions d'habitants), l'homogénéité culturelle et religieuse de sa population, la présence d'une classe moyenne active dans les sphères éducative, associative, syndicale, le pays dispose d'atouts importants. Même si la structuration politique de l'après-Ben Ali souffre déjà du désert entretenu par le régime.


En Égypte, la donne est tout autre. Huit fois plus peuplé, plus pauvre aussi, le pays est une pièce centrale du monde arabe, fondamentale pour les équilibres au Proche Orient et décisive dans le dispositif américain dans la région. Washington observe en dosant ses messages, attentifs aux revendications de la rue, mais prudents et inquiets sur l'avenir proche. Notamment sur le rôle de l'armée, que les États-Unis financent abondamment depuis trente ans et dont l'attitude sur la fin de règne va être décisive.


Car, aux yeux des manifestants qui défient désormais ouvertement le pouvoir, le déclic tunisien vient de rendre insoutenable la longévité des régimes (vingt-trois ans pour Ben Ali, trente ans pour Moubarak, trente-deux ans pour Saleh au Yémen). L'aspiration démocratique sans modèle imposé de l'extérieur, que Barack Obama appelait de ses voeux lors du célèbre discours tenu au Caire le 4 juin 2009, est maintenant palpable. Elle déstabilise Moubarak qui opte, depuis le début de la semaine, pour la répression. Elle déstabilise aussi son principal allié américain.


Dans un tel contexte, parler à la fois aux opinions publiques et aux régimes en place, comme Washington le fait depuis quelques jours, est un exercice intenable à terme. La seule alternative aux régimes autocratiques, c'est l'ouverture au pluralisme. Or, nul n'ignore la question qui suit : quelle place accorder aux formations islamistes ?


Deux traumatismes sont dans tous les esprits. Le précédent iranien lors de la chute du Shah et le cas algérien, avec la suspension du processus électoral, en 1992, face à la montée du Front islamique du Salut, et le début d'une longue guerre civile. En Tunisie comme en Égypte, parler de pluralisme en excluant le parti Ennahda ou les Frères Musulmans n'aurait pas de sens. C'est pourquoi, si la jeunesse arabe a le coeur à Tunis, les diplomates ont les yeux rivés sur Ankara. La Turquie est le seul pays où un parti islamiste au pouvoir joue le jeu constitutionnel. Un exemple à suivre ?

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