TOUT EST DIT

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samedi 29 janvier 2011

G20 : contre la spéculation et la faim

« Méfiez-vous de notre faim et de notre fureur », s'écriait, voici quelques jours, des Jordaniens manifestant dans plusieurs villes du pays (1). Va-t-on donc vers de nouvelles émeutes de la faim ? Étant donné l'insuffisance des stocks, l'irrégularité des productions alimentaires mondiales et la spéculation qui l'accompagne ou même la stimule, « on peut être sûr qu'on va revoir les émeutes de la faim sans qu'on puisse prévoir ni quand ni dans quel pays », a déclaré, au Point, Bertrand Munier, chef économiste du Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture (Momagri).

La situation est devenue dangereuse, en effet, quand on voit le cours du blé augmenter de 100 % en un an ou celui du maïs de 73 %. De ce fait, les prix des denrées alimentaires à base de ces céréales augmentent aussi : le pain, la viande... De plus, ceux qui sont les plus frappés par ces hausses sont les plus pauvres, ceux qui consacrent 80 % de leur budget à l'alimentation, c'est-à-dire les habitants des pays en voie de développement. Mais sont atteints aussi, évidemment, les éleveurs qui paient plus cher la nourriture de leurs animaux et les consommateurs qui constatent la valse des étiquettes.

Cet état de choses a plusieurs causes : les catastrophes climatiques qui se sont produites en diverses régions du monde, par exemple en Russie qui, ayant subi une sécheresse extrême, a interrompu ses exportations de blé. Quatre autres pays exportateurs de blé ont eux aussi connu des catastrophes climatiques qui ont diminué considérablement leur production. Sur le marché du sucre, de l'huile de palme, du riz, les intempéries en Inde, au Brésil ont entraîné une baisse de l'offre.

Par ailleurs, la canne à sucre, au Brésil, le maïs, aux États-Unis, sont de plus en plus transformés en biocarburant. Or, « dès que le prix du baril de pétrole dépasse 80 $, les biocarburants deviennent attractifs et réduisent les disponibilités alimentaires en sucre, en céréales, en oléagineux » (2).

Stabiliser le coursdes matières premières

Dans le même temps, la demande s'accroît, car la population mondiale augmente. Trois milliards d'êtres humains supplémentaires sont attendus pour 2050, c'est-à-dire pour demain. À cela s'ajoute le fait que de vastes pays émergent de la misère et consomment autrement et notamment plus de viande, de cette viande qui exige tant de céréales.

Dans ce tableau déjà sombre, viennent s'inscrire les spéculateurs et même, aussi, les accapareurs qui achètent et stockent. Ils accroissent ainsi la pénurie et augmentent la valeur de leurs marchandises, qu'ils revendront ensuite au prix fort.

« Nous n'avons pas tiré les leçons des émeutes de la faim. Quelques pays seulement ont tenu leurs engagements en politique agricole. Mais certains ont malheureusement privilégié les cultures d'exportation, pourvoyeuses de devises, et n'ont pas suffisamment investi dans la petite agriculture familiale », expliquait, à Ouest-France, Olivier de Shutter, rapporteur spécial de l'Onu pour le droit à l'alimentation. Il ajoutait que, des 20 milliards d'euros d'investissements promis par les pays les plus riches, lors du G8 de 2009, seulement 20 % avaient été versés !

Voilà pourquoi on peut se réjouir que la régulation du prix des matières premières énergétiques et alimentaires soit l'une des priorités de la présidence française lors du prochain G20, en espérant des prises de décisions dans le bons sens et que, cette fois, elles soient appliquées. De toute manière, le président de la République, en fixant un tel objectif, ne manque pas de clairvoyance. On voit, en effet, qu'il est grand temps d'agir.

Il ne manque pas non plus d'audace, car déjà s'élèvent des critiques en tout genre auxquelles il devra faire face.

Cependant, cette démarche répond à une attente profonde exprimée de longue date par des économistes, au rang desquels le père Louis-Joseph Lebret : voici plus de soixante ans, il estimait que, sans régulation des cours des matières premières, le développement mondial échouerait et que les crises, les pénuries et les affrontements se multiplieraient. C'est ce que nous constatons aujourd'hui.

Enfin, on semble prendre ce problème fondamental à bras-le-corps.

(1) Ouest-France, 17 janvier 2011.


(2) Le Figaro, 17 janvier 2011.

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