TOUT EST DIT

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samedi 29 janvier 2011

Logique

Quand son peuple secoue l’Egypte, et on ne sait pas comment ça va basculer, il faut regarder ce qui ne bouge pas, le rassurant, l’impavide, ce qui atteste notre monde: vendredi, l’agence de notation Fitch menaçait de baisser la note financière égyptienne, qui conditionne ses capacités d’emprunt : le soulèvement pourrait "menacer sérieusement la performance économique et politique [égyptienne] ainsi que le processus de réforme économique".
Logique en somme, et peu inattendu. Au cœur de la "révolution du jasmin", l’autre Big Brother de la finance, Moody’s, avait dégradé la Tunisie, soudain instable de se vautrer dans la démocratie. Aux dernières nouvelles, le voisin marocain serait aussi sous surveillance, pour le cas où l’incurie serait contagieuse.

Voilà la réalité. Peut-être la seule réalité, par-delà les irruptions des peuples et le sang versé : combien vaut l’argent, combien vaudra l’emprunt, les marchés veulent du calme, un peuple bruyant aura faim… Mais s’il avait déjà faim, avant, quand il était calme, par la force et par la peur? Pas de chance. Le vrai pouvoir est ailleurs, qui se joue de nous. C’est un si vieux cliché… Mais quelle sale blague quand la vraie vie se met à ressembler à un tract de Besancenot? Les agences de notation ne résument pas le capitalisme, ni ceux qui le gèrent. Christine Lagarde a protesté contre la mesquinerie de Moody’s et Fitch. L’Europe et le FMI sont prêts à aider la nouvelle Tunisie. Mais il reste toujours en mémoire ces satisfecit octroyés jadis au benalisme financier, par DSK y compris, et cette logique de l’argent, tranquille et autosuffisante…

Ces jours-ci, en France, la gauche rouge et les syndicats de la Poste dénoncent des suicides dans l’ex-service public. La faute, disent-ils, à la transformation d’une administration en société anonyme, broyant ses enfants dans la concurrence, le rendement et le profit. L’Humanité en a fait sa une, on découvre une lettre envoyée par des médecins à la direction de la Poste dénonçant la fabrication "d’inaptes physiques et psychologiques", et on se demande si la modernisation vaut cela.

On redoute dans cette campagne les raccourcis sur le libéralisme assassin. On ne sait pas réellement corréler les suicides et la peine. Mais on sait que la souffrance accompagne le changement inéluctable, plus ou moins amorti, plus ou moins brutal, plus ou moins accompagné. Et on découvre, au passage, une ironie de notre République. Société anonyme, la Poste a pour actionnaires l’Etat et sa banque, la Caisse des dépôts. L’actionnaire qui pourra revendiquer leur retour sur investissement, une poste productive, un jour juteuse, c’est la puissance publique! L’Etat n’est plus protecteur, mais pousse-au-crime, pousse-à-la-roue, pousse-à-la-logique! C’est en son nom qu’on percute la routine des postiers d’antan, qu’on les modernise et qu’on les bouscule. La logique même. Ils souffriront un peu, et puis partiront un jour à la retraite. Tous n’en mourront pas, loin s’en faut. Loin s’en faut. Les Egyptiens non plus.

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