Nul ne sait ce matin si Hosni Moubarak pourra se maintenir au pouvoir, mais de toute façon, il a déjà perdu la partie. Le vieux général de 82 ans qui avait voulu rester sourd à la colère de son peuple au point de vouloir l’étouffer en l’isolant du monde a été obligé de rendre les armes, en pleine nuit, dans une intervention à la télévision... En promettant tout à la fois la démocratie, une justice indépendante, et des mesures contre la pauvreté, le président égyptien a donné le spectacle d’un homme prêt à concéder tout ce qu’il refusait encore en bloc quelques heures plus tôt. Pathétique spectacle d’un roi nu, dos au mur, acculé aux concessions par la fureur de son pays, et prêt à tous les renoncements pour éviter sa mise à mort politique, la déchéance, l’exil...
Dans cette défaite, pense-t-il sérieusement que la dissolution du gouvernement qu’il a donnée en pâture suffira à faire retomber la tension quand c’est son propre départ que des centaines de milliers de manifestants ont réclamé tout au long de ce vendredi 28 janvier où tout a basculé? Sur le net, les images d’Al-Jazeera ont transmis à la planète entière, et en direct, les convulsions d’un régime en voie d’extinction. Depuis le renversement du roi Farouk par le colonel Nasser jusqu’au séisme qui aujourd’hui fait chanceler le successeur d’Anouar-El-Sadate, le pouvoir égyptien n’avait jamais connu pareil chaos. Aucune des quatre guerres perdues contre Israël n’avait réussi à le fragiliser à ce point.
Cette fois, c’est fini. On voit mal comment Moubarak pourrait durablement reprendre la main avec un pays qui l’a aussi massivement rejeté. Mais on ne voit pas non plus quelle direction pourra prendre cette révolution en marche qui semble n’obéir, pour le moment, qu’à une exaspération fédératrice. Et on doute, hélas, que l’énergie de cette coalition des mécontentements soit mise au seul service de la liberté...
Cette incertitude totale panique l’Amérique qui redoute de voir s’effondrer un allié stratégique dans cette région du monde. Ferme en apparence, l’intervention d’Hillary Clinton a été, en vérité, symptomatique d’un aveu d’impuissance. Les injonctions au Raïs pour qu’il modère la répression et rétablisse internet ont résumé tout l’embarras du département d’Etat, et des chancelleries européennes.
Barack Obama défend les élans d’un peuple qui veut se libérer, mais il ne peut pas non plus lâcher celui qui représente pour lui un pion essentiel de sa stratégie au Proche-Orient et dans le monde arabe. La perspective d’une poussée des Frères musulmans -présents dans les manifestations d’hier- fait cauchemarder les États-Unis et trembler Israël. Au point qu’un général libéral pourrait apparaître comme un recours. A condition que l’armée ne fasse pas couler le sang...
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