TOUT EST DIT

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samedi 29 janvier 2011

La France prône le "dialogue" et la "retenue"

Comment réagir à l'ébranlement du pouvoir en Egypte ? Face à l'accélération des événements, l'Elysée cherchait, vendredi 28 janvier, à éviter deux écueils : se retrouver à la remorque des événements et en porte-à-faux, comme ce fut le cas lors du renversement du président tunisien Ben Ali, le 14 janvier ; et donner le sentiment d'un "lâchage" du président Moubarak, dont Nicolas Sarkozy s'est efforcé, ces dernières années, de faire un appui majeur pour la France auprès du monde arabe et sur les dossiers stratégiques du Moyen-Orient.

Ce rapprochement avec le raïs égyptien avait été scellé en grande pompe en juillet 2008, au travers du rôle de "coprésident" conféré à M. Moubarak dans l'architecture de l'Union pour la Méditerranée.
Vendredi, à l'issue d'une journée de contestation spectaculaire, l'Elysée est resté silencieux. Le soin de réagir a été réservé à la ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, par le biais d'un communiqué, diffusé vers 19 h 30. Depuis des heures déjà, les Etats-Unis avaient durci le ton à l'égard du régime Moubarak, l'appelant à engager des "réformes immédiates".
Plus modérée, la France a exprimé sa "vive préoccupation", appelant à la "retenue" et au "dialogue", qui seul "est de nature à permettre une évolution significative et positive de la situation, afin de prendre en compte les aspirations à davantage de liberté et de démocratie qui s'expriment". La France, "amie de l'Egypte et des Egyptiens, appelle à l'apaisement et à la responsabilité de tous", ajoutait le texte. M. Sarkozy pourrait saisir l'occasion du sommet de l'Union africaine, le 30 janvier à Addis-Abeba (Ethiopie), pour s'exprimer sur l'Egypte. Un déplacement centré sur les objectifs français pour le G20, auquel l'actualité égyptienne pourrait imposer une autre tonalité.
La crise en Egypte est analysée , à Paris comme à Washington, comme étant d'une autre ampleur, dans ses potentielles conséquences régionales, que le renversement du pouvoir en Tunisie. Les enjeux sont beaucoup plus considérables, du fait du poids de l'Egypte (pays le plus peuplé du monde arabe), de sa place au Proche-Orient et de ses relations avec Israël.
Les leviers d'influence de la France ne sont pas ceux des Etats-Unis, qui dispensent une aide financière et militaire majeure à l'Egypte. Mais en appelant à "davantage de démocratie", Paris a pris acte du problème posé par un régime sclérosé. "Autoritaire", a même dit mercredi Alain Juppé.
Le principe de "non-ingérence" énoncé par M. Sarkozy serait-il écorné ? Début janvier, le président français avait adopté une position en pointe pour dénoncer l'attentat contre une église copte au Caire. "Cela a créé une polémique", a observé M. Sarkozy, lundi, lors d'une conférence de presse à l'Elysée, conscient que ses propos, en apparence exclusivement soucieux du sort d'une minorité chrétienne, avaient été critiqués par la presse arabe.
"Perte d'influence"
C'est sur une forte personnalisation de la relation bilatérale, sur son lien avec M. Moubarak, que M. Sarkozy avait misé pour tenter de peser sur les dossiers du Proche-Orient, notamment au moment de la guerre de Gaza, en janvier 2009. L'Elysée avait alors contribué à replacer l'Egypte, dont la diplomatie paraissait en perte de vitesse, au coeur du jeu régional. Fin 2010, la présidence française espérait encore pouvoir s'appuyer sur l'Union pour la Méditerranée - même si le projet était en souffrance - pour tenir à Paris une conférence réunissant les principaux acteurs de la question israélo-palestinienne. Une attente déçue.
La relation avec Hosni Moubarak, dont M. Sarkozy a souvent loué la "sagesse", a cependant connu des flottements, notamment au début des ouvertures diplomatiques françaises à la Syrie. Et l'amitié professée avec insistance par le président français pour Israël n'était pas toujours bien perçue au Caire. Mais la "carte Moubarak", et l'idée d'une centralité de l'Egypte, ont été, ces dernières années, placées au coeur de la politique française au Proche-Orient. "De façon excessive", critique aujourd'hui un ancien responsable du Quai d'Orsay, Yves Aubin de La Messuzière, qui souligne "la perte d'influence de l'Egypte dans la région, liée en grande partie au vieillissement de son régime." L'approche française doit s'adapter à une nouvelle donne.
Natalie Nougayrède

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