mardi 11 janvier 2011
Contradictions
Depuis que la crise financière a gravement plombé l'économie de l'Occident, tous les responsables, des deux côtés de l'Atlantique, se demandent comment retrouver la croissance d'avant. L'Amérique guette les signes de reprise, l'Allemagne mesure le rythme de ses exportations industrielles, la France cherche la martingale d'une décrue de la dette qui n'affaiblirait pas la consommation. Partout, la croissance est célébrée comme la seule planche de salut. Quant à la Chine, au Brésil et aux autres pays émergents, il ne leur est jamais venu à l'esprit que la croissance à tout-va pourrait ne pas tracer leur avenir.
Et pourtant quelques irréductibles Gaulois persistent à chanter une autre chanson. Coup sur coup, Serge Latouche propose de « Sortir de la société de consommation », Jean Gadrey lance un « Adieu à la croissance » et les philosophes Edgar Morin et Patrick Viveret posent la question : « Comment vivre en temps de crise ? » Ils y répondent par une politique de sobriété que leurs deux collègues économistes ne renieraient pas.
La contradiction entre la stratégie de retour vers la croissance et la stratégie de sortie de la croissance est éclatante. Certains esprits accommodants font mine de la surmonter en laissant entendre que le rétablissement de la croissance industrielle serait une nécessité de court terme imposée par des objectifs d'emploi, tandis que la nouvelle croissance écologiquement soutenable serait un horizon de long terme. Mais ce tour de passe-passe ne convainc que les niais. Car de deux choses l'une : soit le défi écologique est une faribole et la discipline annoncée pour après-demain est inutile. Soit c'est le problème majeur du siècle qui vient et toute acrobatie sémantique distinguant le court terme du long terme n'est que temps perdu. En 2004, le philosophe Jean-Pierre Dupuy, convaincu que l'humanité est sur la route de l'autodestruction, lançait cet avertissement : « Nous ne croyons pas ce que nous savons. » Depuis la crise financière, et malgré quelques voix isolées, le sentiment domine que l'on ne croit pas davantage et qu'en plus, on oublie ce que l'on sait.
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