TOUT EST DIT

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mardi 11 janvier 2011

Pascal Perrineau : « Le théâtre politique actuel risque de fatiguer les électeurs »

Pour le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), « Nicolas Sarkozy s'inspire un peu de ce qu'avait fait François Mitterrand en 1988, candidat de la France unie après avoir été celui de la rupture ».
 La stratégie de Nicolas Sarkozy, qui se pose en président réformateur et protecteur, peut-elle fonctionner ?
C'est compliqué pour lui. Sous la Vème République, un président candidat n'est pas un candidat à la présidence comme un autre. Il doit se battre sur un bilan et proposer un projet. Le bilan de Nicolas Sarkozy est présent dans les voeux lorsqu'il assume les réformes faites et dit que 2011 sera l'année de la réforme : il cherche à garder la posture d'un président qui ose les réformes dans un contexte où la réforme est un art de plus en plus difficile, tant l'opinion est inquiète. Le projet, lui, apparaît beaucoup sous la notion de président protecteur et autour des thématiques de l'union nationale. Il s'inspire un peu de ce qu'avait fait François Mitterrand en 1988, candidat de la France unie après avoir été celui de la rupture. Dans ce contexte de forte impopularité, il n'a pas 36 cartes en main et en joue une plutôt habile. Mais il est un peu tôt pour dire si cela va fonctionner. Le casting de la présidentielle n'est pas ordonné. Ce qui sera déterminant, c'est le nom du candidat socialiste. Etre opposé à Martine Aubry, à Dominique Strauss-Kahn ou à Ségolène Royal n'est évidemment pas la même chose.

Le chef de l'Etat a-t-il changé depuis le début de son mandat ?

L'exercice de la fonction change l'homme, quel que soit l'homme. Ses derniers voeux sont à cet égard très classiques. Il n'y a plus le souci de vouloir tout bouleverser en permanence. Mais le tempérament personnel de Nicolas Sarkozy, son impétuosité et sa difficulté, parfois,à se couler dans les canaux classiques résistent. Cela fait sa force : il n'est pas comme les autres et continue d'en jouer. C'est aussi sa faiblesse : cet exercice du pouvoir peut prendre à contre-pied une partie de son électorat.

La réforme de la fiscalité est-elle à hauts risques pour lui ?

Le risque est celui de décevoir une partie de son électorat, qui dira qu'il fait machine arrière sur le bouclier fiscal. Il va lui falloir faire preuve de beaucoup de pédagogie. Cela vaut aussi la réforme de la dépendance et celle de la justice. Ces deux dossiers aussi ne sont pas sans risque. La réforme de la dépendance peut être coûteuse, et nécessiter de nouvelles recettes, ce qui ne serait pas populaire. Quant à l'instauration de jurys populaires en correctionnelle, elle peut faire apparaître que le bilan n'est pas aussi bon qu'on voulait le dire sur le terrain de la lutte contre l'insécurité.

La polémique sur les 35 heures augure-t-elle d'une bataille rangée lors des primaires au PS ?

Cette affaire n'est qu'un symptôme de plusieurs difficultés au PS. Celui du leadership : depuis la mort de François Mitterrand, il n'y a plus de leader naturel au PS. Celui du programme : tous les courants sont toujours là et ça tire à hue et a dia dans tous les sens, avec une virulence réelle. Les vieux démons sont toujours là et ça n'augure pas très bien de la qualité des discussions ni de la teneur du projet du PS. Il y a aussi la question des alliances. Avec qui gouvernera le PS ? Rien n'est réglé et il ne faut pas compter sur les primaires pour régler toutes ces questions. Ajoutez à cela le jeu de l'extrême gauche, les hésitations centristes et l'incapacité de Nicolas Sarkozy à parler à toutes les droites et cela donne un sentiment d'extrême confusion. Tout le monde se positionne, cultive les différences. Ce théâtre-là risque de fatiguer les spectateurs, c'est-à-dire les électeurs. Le débouché de cette fatigue peut être l'abstention mais aussi le vote protestataire.

Marine Le Pen est-t-elle assurée d'accéder à la tête du FN ?

Même s'il fera certainement plus qu'un succès d'estime, je ne crois pas que Bruno Gollnisch puisse inverser le rapport de force. Avec ses attaques contre l'islam, Marine Le Pen a donné des gages aux militants FN. Et avant cela, elle a été portée par les bons sondages et la place incroyable que lui ont donné les médias. Pour autant, Marine Le Pen a encore du pain sur la planche. Sa popularité demande à être vérifiée sur le plan électoral. Et elle n'a pas fait tomber les barrières qui entourent le Front national... Le parti n'est pas dédiabolisé.

Qui est le mieux placé, au centre, pour mener la bataille ?

C'est encore difficile à dire tant le centre est éclaté. Mais pour Nicolas Sarkozy, la question du centre est cruciale. L'histoire de la Vème République pousse plutôt à l'expression d'un pluralisme au premier tour, mais c'est un choix stratégique compliqué. Si Jean-Louis Borloo est candidat, le chef de l'Etat peut espérer de meilleurs reports au second tour. D'un autre côté, il prend le risque d'être affaibli au premier. Là encore, le nom du candidat PS pourrait l'aider à trancher.

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