TOUT EST DIT

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mardi 11 janvier 2011

Le Royaume-Uni et le spectre de l'inflation

Au Royaume-Uni, lorsque l'inflation dépasse de plus de 1 point l'objectif que s'est fixé la Banque d'Angleterre (BoE) - une hausse de 2 % de l'indice des prix à la consommation -, le gouverneur de cette dernière doit se fendre d'une lettre au chancelier de l'Echiquier, pour s'expliquer et décrire comment il compte revenir dans les clous. Pour Mervyn King, le grand argentier outre-Manche, c'est presque devenu la routine. Depuis avril 2007, il a écrit pas moins de 9 courriers à son ministre des Finances, dont 4 pour la seule année 2010. En novembre, dernier mois de statistiques disponible, les prix à la consommation ont grimpé à leur rythme le plus rapide depuis quinze ans : une hausse annuelle de 3,3 %. Et, à l'occasion de leur dernière réunion début décembre, les membres du comité de politique monétaire de la BoE ont estimé que l'inflation pourrait bien toucher les 4 % au printemps prochain.

Alors que les économistes s'attendent presque tous à ce que la correspondance entre Mervyn King et George Osborne s'épaississe cette année, l'inflation, avec ses conséquences néfastes oubliées depuis les années 1980, est brutalement redevenue un sujet d'inquiétude outre-Manche. Le Royaume-Uni est un cas à part parmi les pays riches. Si l'inflation galope chez les émergents, en particulier en Chine, elle reste en effet sous les 2 % dans la zone euro et aux Etats-Unis. C'est généralement par une chute de la livre de près d'un quart de sa valeur depuis le début de la crise financière, et par le retour à 17,5 %, au lieu de 15 %, de la taxe sur la valeur ajoutée en 2010, qu'on explique la poussée des prix en Grande-Bretagne.

Le problème est que beaucoup d'analystes craignent que le mouvement de hausse des prix se poursuive. Sans que la reprise économique soit plus vive en Grande-Bretagne qu'ailleurs. Le Bureau de responsabilité budgétaire (OBR) indépendant mis en place par le nouveau gouvernement n'attend qu'une croissance de 2,1 % en 2011, contre 1,8 % en 2010. C'est beaucoup moins que pendant les précédents cycles économiques à ce stade de la reprise. Les derniers chiffres du chômage ne sont pas non plus très encourageants avec un taux passant de 7,7 % à 7,9 % de la population active, et un retour au pic de 2,5 millions de personnes sans emploi. En outre, après la crise, des surplus de capacités demeurent dans l'appareil de production. Autant d'éléments allant plutôt à l'encontre d'un réveil de l'inflation et qui font dire à la BoE que la situation restera sous contrôle. Pour l'heure, la majorité des économistes lui donne raison. Mais ce ne serait pas la première fois dans l'histoire économique qu'inflation et croissance molle cohabitent et plusieurs facteurs doivent être surveillés.

D'abord, la TVA vient de passer à 20 % le 4 janvier. Cette nouvelle hausse, décidée par la coalition dans le cadre du retour à l'équilibre des finances publiques, sera répercutée par les détaillants. Ensuite, les forces inflationnistes exercées de l'étranger ne risquent pas de s'atténuer dans les prochains mois. Avec une croissance mondiale aux alentours de 5 %, les prix du pétrole et des matières premières ne devraient pas se replier de sitôt.

Ensuite, les anticipations d'inflation dans l'esprit des consommateurs ont commencé à s'accroître, un phénomène inquiétant parce qu'il peut à terme provoquer des pressions salariales alimentant, cette fois, la vraie spirale inflationniste tant redoutée. Selon la BoE, les ménages s'attendent ainsi à une inflation de 3,9 % dans les douze prochains mois, contre une anticipation de 3,4 % en août dernier. Le fait que les mauvais chiffres de novembre aient été tirés à la hausse par des secteurs aussi communs que l'alimentaire et l'habillement n'y est sans doute pas pour rien. Economiste chez Morgan Stanley, Melanie Baker redoute depuis longtemps des risques de dérapage inflationniste au Royaume-Uni. Elle ajoute à tous les facteurs cités plus haut un phénomène de long terme qui concerne tous les pays riches. Lorsque la population vieillit, la pression fiscale augmente sur les actifs et affecte par ricochet leurs revendications salariales.

Pour l'instant, l'inflation n'a guère provoqué de vagues outre-Manche. La hausse des prix réduit la part de la dette dans le PIB. Elle équivaut donc à une forme d'austérité budgétaire qui - beaucoup le reconnaissent discrètement -arrange les dirigeants. Jusqu'à un certain point cependant. Les journaux patrimoniaux commencent ainsi à mettre en garde les emprunteurs immobiliers contre une hausse des taux d'intérêt, une conséquence classique de l'inflation. Le CBI, qui représente le patronat britannique, craint une remontée du taux directeur de la BoE plus rapide que prévu, de 0,5 % aujourd'hui à 2,75 % mi-2012. Or, les deux tiers des ménages ont emprunté à taux variable pour leur maison. Même s'il n'était que passager, le pic inflationniste de 2011 ne pourrait en outre pas tomber à un pire moment. Le gros des coupes budgétaires va commencer à prendre effet à partir d'avril, début du nouvel exercice fiscal. L'OBR reconnaît que le premier semestre va être délicat. Politiquement, la situation pourrait donc être tendue. Le gouvernement pourrait être d'autant plus coincé qu'il a déclaré ouvertement compter sur l'activisme de la BoE pour compenser l'effet des coupes budgétaires. Or, en cas d'inflation persistante, celle-ci verrait ses marges de manoeuvre réduites. Il vaudrait donc mieux pour tout le monde que la BoE ait raison sur le caractère temporaire de la hausse des prix.

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