jeudi 28 octobre 2010
Les images signées "DR" bientôt protégées par la loi
Nombre de photographies sont signées "DR" pour "droits réservés", mais cette pratique empêche très souvent leurs auteurs de jouir de leurs droits, une injustice à laquelle le Sénat doit remédier en adoptant jeudi une loi encadrant la notion d'image "orpheline".
"Une telle loi serait un petit pas pour le Parlement, mais un grand bond pour les photographes", a déclaré Frédéric Buxin, de l'Union des Photographes Professionnels (UPP). Il s'est plu à rappeler que les photos prises sur la lune n'avaient jamais été signées de leurs auteurs, les cosmonautes Neil Armstrong et Buzz Aldrin, auxquels n'a jamais été reconnu la fonction de photographe.
Les photos, dans la presse, dans des plaquettes d'entreprises, sur des publicités ou dans des livres sont créditées DR, "souvent par manque de professionnalisme dans la chaîne photographique", explique M. Buxin qui ne veut pas stigmatiser tel ou tel type de publication.
"La traçabilité de la viande est parfaite, celle de la photo non, alors que le numérique le permet très aisément", rappelle-t-il.
Des images mythiques, comme celle signée Marc Riboud d'une manifestante contre la guerre du Vietnam une rose à la main, sont ainsi fréquemment créditées DR alors que leur auteur est une star de la photo.
"Il y a quelques semaines en Russie, j'ai trouvé des photos de moi créditées agence Novosti, alors que je ne leur ai jamais cédé d'images", raconte de son côté le photojournaliste Sebastiao Salgado. Pour le célèbre reporter, qui soutient le projet de loi français, "les utilisateurs de photos doivent savoir vraiment ce que veut dire +droits+".
"Par l'expression oeuvre orpheline, on désigne l'oeuvre dont l'auteur ou le coauteur, ou ses ayants droit n'ont pu être identifiés ou retrouvés après des recherches sérieuses et avérées", selon l'exposé des motifs du proposition de loi.
"Un nombre croissant d'oeuvres visuelles sont exploitées dans l'édition à des fins professionnelles sans autorisation des auteurs (...) au prétexte que ceux-ci seraient inconnus ou introuvables", ajoute le texte.
"En obligeant les éditeurs à prouver qu'ils ont bien recherché l'auteur ou l'ayant droit d'une image, en les obligeant à faire du déclaratif, on évacue la spoliation", a expliqué Marie-Christine Blandin, député du Nord (Vert), une des élues à l'origine du texte.
Les vrais "oeuvres orphelines", dont les auteurs sont totalement introuvables ne sont pas légion, même si un rapport les estimait "entre 3 et 20%" des oeuvres créditées "DR", un chiffre qualifié de "peu rigoureux" par l'UPP.
Le constat des professionnels est parfois accablant : dans la presse télé, on recense parfois jusqu'à 80% de photos créditées "DR", selon l'UPP. Des photographes spoliés ont même redéfini la mention "DR" comme signifiant "droit à rien" !
La proposition de loi vise aussi à définir un régime d'exploitation des droits attachés à une oeuvre orpheline qui permettrait en cas d'identification de leur auteur de pouvoir lui reverser ces droits.
Le mode de gestion serait confié à une société d'auteurs agréée qui aurait vocation à pratiquer une gestion collective de ces droits, selon la proposition.
Une pétition en ligne a recueilli plus de 14.000 signatures, dont bon nombre de photographes et reporters prestigieux, qui eux-aussi sont parfois victimes de l'utilisation abusive de la mention "DR".
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