Dans une quinzaine de jours, le G20 se tiendra à Séoul. Ses membres pourront s'y féliciter du travail accompli pour domestiquer le monde bancaire depuis avril 2009, date de leur première réunion à Londres. A raison, d'ailleurs, puisque la liste des nouvelles normes imposées aux établissements de crédit en dix-huit mois est déjà longue : encadrement des bonus, réforme financière américaine, « Volker rule », Bâle III, pour ne citer que les principales. Au final, la liberté et le champ d'action des banques s'en trouvent limités. Résultat, le secteur bancaire dans son ensemble est désormais beaucoup mieux encadré. Et il le sera encore davantage lorsque la délicate question des plus grandes banques, celles qui font peser un risque sur l'ensemble du système, aura été tranchée.
L'économie mondiale y a-t-elle gagné en sécurité ? Sans doute. Pour autant, le problème de fond, lui, est loin d'être réglé. Le risque systémique n'a pas été éradiqué, il a simplement été déplacé. Au cinéma, on dirait qu'il a été mis hors-champ, c'est-à-dire qu'il n'apparaît plus sur l'écran radar des régulateurs. Car, loin de disparaître, les activités les plus risquées du « casino banking » sont en train de migrer vers le monde des fonds alternatifs. C'est le cas notamment de la très lucrative gestion pour compte propre, désormais bannie des établissements américains. En fin de semaine dernière, la firme d'investissement dans le non-coté KKR annonçait le recrutement d'une équipe de « prop'trading » de Goldman Sachs. D'autres devraient suivre.
Au total, ce seront des bataillons entiers de traders qui passeront avec armes et bagages de la lumière à l'ombre. Ils y trouveront un environnement familier dans lequel il n'existe aucune contrainte en matière de rémunération ou de fonds propres. Car cet univers du « private equity » et des « hedge funds » est le grand oublié de la nouvelle réglementation. Il faut dire qu'il n'a pas connu d'accident grave pendant la crise. Mais en ne lui imposant pas un cadre plus strict - comme c'est encore le cas dans la directive européenne en cours d'adoption -, les régulateurs prennent le risque qu'il ne prospère en toute discrétion. Il pourrait ainsi suivre à son tour le chemin emprunté par les banques d'investissement au cours des années 2000 et donner naissance à des géants bancaires occultes qui ne seraient pas Goldman Sachs ou Morgan Stanley, mais Blackstone, KKR ou Fortress. Des maisons dont l'impact systémique en cas de défaut seraient potentiellement aussi dévastateur que celui d'un Lehman Brothers.
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