TOUT EST DIT

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jeudi 28 octobre 2010

Trois mois de conflit : les gagnants, les perdants

Amère victoire pour les uns, défaite paradoxale pour les autres, la bataille des retraites aura sans nul doute marqué le premier acte de la présidentielle.  
Nicolas Sarkozy : à court terme, une victoire à la Pyrrhus
 A court terme, le chef de l'Etat qui a gagné son bras de fer avec les syndicats semble avoir remporté une victoire à la Pyrrhus. Une très large majorité de Français perçoit sa reforme des retraites comme injuste et son passage en force est mal vu par une opinion déjà inquiétée par la crise économique et sociale. Résultat, jamais un président de la République n'a été aussi impopulaire, hormis Jacques Chirac au moment de la crise du CPE. A dix-huit mois de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy ne conserve que son noyau dur du premier tour de 2007 dans les sondages de popularité, soit environ 30%. La fermeté dont il a fait preuve pendant trois mois avec les syndicats ne lui est pas créditée en positif puisque la réforme des retraites a servi de support à de multiples colères, certaines ayant peu de rapport avec le projet lui-même.

Le chef de l'Etat entend cependant rebondir et capitaliser sur cette séquence mais il va prendre son temps. Il souhaite laisser retomber passions et tensions avant d'engager à la mi-novembre une nouvelle étape de son quinquennat; sa coloration sera sociale assurément. Le remaniement annoncé il y a quatre mois mettrait en piste un Jean-Louis Borloo Premier ministre à la tête d'une équipe gouvernementale resserrée et expérimentée. Nicolas Sarkozy entend mener à bien, d'ici l'élection présidentielle, le chantier de la dépendance des personnes âgées, de l'assurance maladie et de la désindustrialisation d'une partie croissante du territoire français. S'il réussit son virage social dans les mois qui viennent, il pourra lors de la campagne présidentielle se vanter de n'avoir pas cédé à la rue sur les retraites, alliant donc la fermeté à l'équité. Mais la reconquête d'une opinion fatiguée après cette bataille va prendre du temps.

François Fillon : chef de majorité imperturable

Depuis trois ans, le Premier ministre s'était bien gardé de se mettre en avant, soit par choix, soit par impossibilité du fait de l'hyper présidence de Nicolas Sarkozy. Pendant le conflit des retraites, plus dur et long que prévu, il a du mouiller la chemise. L'affaiblissement politique du ministre censé porter la reforme, Eric Woerth, et la diffusion du mécontentement dans différents secteurs de l'opinion a rendu la parole de François Fillon quasi obligatoire, à plusieurs reprises. L'Elysée a usé de l'arme Fillon sans compter. A l'Assemblée, c'est le Premier ministre qui a ferraillé avec l'opposition dans les moments les plus cruciaux, suscitant à chaque fois un tonnerre d'applaudissements des députes UMP admiratifs de la pugnacité du chef de leur majorité. Sur les plateaux de télévision, c'est François Fillon qui est allé dire aux Français que le pouvoir ne céderait pas sur une reforme présentée comme cruciale pour le pays. Résultat de cette séquence plus impliquant, la cote de popularité du Premier ministre a quelque peu pâli, notamment chez les sympathisants de gauche. Mais dans l'électorat de droite, sa posture de général en chef imperturbable continue d'être plébiscitée, ce qui rend son probable départ de Matignon particulier.
 
Jean-Louis Borloo : première épreuve difficile

Impitoyable système médiatique qui juge un "Premier ministre" trois semaines avant qu'il soit même nommé. Et le résultat n'est pas fameux. En effet, depuis le mois d'août, le ministre de l'Ecologie a si bien organisé sa campagne de com' pour incarner le successeur naturel de François Fillon que dans toutes les bouches, il ne fait guère de doute qu'il atterrira bien à Matignon en novembre. Mais la vie politique est tout sauf un scénario prévisible. Son souhait de rester discret dans les medias jusqu'à cette échéance est en effet venu se heurter au durcissement du conflit et à son extension aux raffineries. En tant que ministre en charge du secteur des Transports, il a été place en première ligne pour gérer la pénurie de carburants, cette pénurie qu'il a justement eu tant de mal à admettre au début, provoquant la colère de certains collègues du gouvernement et notamment du premier d'entre eux, François Fillon.
Peu ravi de voir l'hypothèse d'un Jean-Louis Borloo lui succéder à Matignon, le Premier ministre s'est laissé aller à des confidences inhabituelles dans la presse. "Borloo est un zozo. Il m'a fait passer pour un con !', a-t-il confie au JDD, après sa prestation au JT de TF1 ou il avait nié toute pénurie d'essence, sur la foi des indications erronées données par le ministère de Jean-Louis Borloo. Du côté des députes UMP, l'idée d'une arrivée de ce dernier aux commandes de la majorité ne suscite guère l'enthousiasme. La mollesse des applaudissements qui accompagnent ses interventions à l'Assemblée contraste avec les standing-ovations qui claquent lorsque François Fillon retourne s'asseoir. "Jean-Louis est charmant mais il n'est pas fait pour le job", confie à TF1 News un dirigeant de l'UMP. Fillon peut tout à fait rester. Et s'il faut changer, c'est Copé le plus structuré, et c'est un non copéiste qui le dit !'.

Martine Aubry : un gain politique limité

L'impopularité record de Nicolas Sarkozy fait-elle le bonheur de la chef de l'opposition ? La crise sociale a-t-elle propulsé  Martine Aubry en figure incontestée de l'alternance en 2012 ? La réponse est non. Certes, la Première secrétaire du PS a mené avec les deux présidents de groupe, à l'Assemblée et au Sénat, une bataille parlementaire remarquée et unitaire. Certes, Martine Aubry a permis, et ce n'est pas une mince victoire, aux socialistes de retrouver toute leur place dans les manifestations et le mouvement social. Mais tout le monde s'accorde à dire, et en premier lieu à Solferino, que le gain politique de cette victoire pour Martine Aubry n'est pas décisif. Elle a su jusque là accompagner la colère de nombreux Français contre cette reforme mais sans leur proposer encore un débouché politique naturel.

Coincée entre son aile gauche très présente et son aile réformiste, la patronne du PS n'a pas réellement renforcé la crédibilité économique et sociale de son parti pendant le conflit. Un seul chiffre : fin septembre, 63% des Français disaient ne pas croire à l'engagement des socialistes de revenir aux 60 ans pour l'âge légal de départ en retraite, un point sur lequel les dirigeants de Solférino ont entretenu le flou. Le travail sérieux du parti autour du contre-projet de reforme des retraites n'a pas été assez mis à profit, en raison du manque de mot d'ordre clair. "La référence aux 60 ans nous a ramenés au passé. Peut-être aurions-nous dû plus nous concentrer sur l'injustice globale d'une réforme ringarde", souligne un député strauss-kahnien. Reste que dans les sondages, après une bataille difficile sur le plan idéologique pour la gauche, Martine Aubry reste à un haut niveau, notamment en raison de sa cote chez les sympathisants PS. Sa stratégie de conquête des cœurs du peuple de gauche en vue des primaires est en marche.

Les syndicats : unis et responsables

Si la France reste l'un des pays les moins syndiqués au monde, jamais ses syndicats n'ont reçu autant de fleurs. De la droite, de la gauche, du centre, les compliments ont été permanents pendant les trois mois du conflit. Très soucieux de ne pas se mettre trop à dos les centrales réformistes comme la CFDT, la CGC, la CFTC ou même la CGT, l'Elysée a loué sans arrêt leur "esprit de responsabilité". L'alliance entre François Chérèque et Bernard Thibault a permis aux différentes forces politiques de compter avec un point de repère dans cette bataille où le risque de débordement était réel. Les syndicats ont affiché tant bien que mal, jusqu'au bout, une unité jamais vue depuis des décennies. Et sur les plateaux de télévision, leur connaissance du dossier et leurs qualités pédagogiques ont fait leur effet. La façon dont François Chérèque et Bernard Thibault ont mouché le ministre de l'Industrie Christian Estrosi dans l'émission Mots croisés sur France 2 la semaine dernière, avec la complicité de la patronne du Medef Laurence Parisot, a été remarquée. Combattifs pendant le mouvement, les syndicats se montrent ouverts lors de la sortie de crise, mettant aujourd'hui l'accent sur les difficultés de la jeunesse, notamment sur le front de l'emploi. Résultat de leur travail depuis des mois, les centrales syndicales voient 57% des Français se déclarer satisfaits de leur action, selon un sondage IFOP publié lundi dernier.

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