Interview de l'ex-ministre de la Justice devenue parlementaire européenne, à l'heure où la ratification du traité de Lisbonne change la donne pour l'Union.
La Tribune - À l'approche des grandes négociations climatiques, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé l'Europe à maintenir son « leadership ». L'Europe arrivera-t-elle forte à Copenhague ?
Rachida Dati - Quand on parle du leadership européen, tout part du paquet énergie-climat obtenu à l'arraché par Nicolas Sarkozy, après une négociation pays par pays. On a une unité, une ambition européenne forte, avec des objectifs chiffrés. Je pense que c'est déjà un succès que chacun soit à l'affût d'un accord et de vouloir mettre tout le monde autour de la table, y compris les États-Unis.
- Vous êtes membre de la commission de l'Industrie au Parlement européen. L'Europe ne court-elle pas le risque à Copenhague de s'imposer un handicap en matière de compétitivité ?
- Non, parce qu'il y a la taxe carbone aux frontières de l'Union. Elle ne fait pas l'unanimité, mais elle commence à avoir une majorité en Europe. Avec cette taxe, il ne s'agit pas de dire : « Nous sommes protectionnistes », mais plutôt : « Nous sommes pour la concurrence loyale — donc totalement loyale. » Si on s'astreint à une réglementation environnementale européenne, on ne peut pas accepter que d'autres pays en dehors de l'Union ne respectant pas les mêmes critères puissent exporter leurs produits chez nous. La loyauté a aussi un prix.
- Le traité de Lisbonne va créer le poste de président du Conseil européen. Vous êtes pour un président fort et politique et pas pour un simple organisateur. Mais avec quelqu'un de fort, n'y a-t-il pas des risques de clash avec Nicolas Sarkozy ?
- Non, c'est tout l'enjeu. Avec quelqu'un de fort, vous êtes tiré vers le haut. C'est comme quand vous choisissez les meilleurs collaborateurs. Pour être tiré vers le haut, il ne faut pas se dire : « Il y a un risque de concurrence, alors... on prend les plus mauvais. » Regardez l'Eurogroupe, le président de la République l'a réuni au niveau des chefs d'État et de gouvernement pour la première fois durant la présidence française. Il pouvait très bien se dire : « Je suis président de l'Europe, je vais être plus fort que tout le monde. » Non, il a mis tous les chefs d'État et de gouvernement à son niveau.
- Pensez-vous que ce poste de président du Conseil puisse tenter Nicolas Sarkozy dans l'avenir ?
- Je ne fais pas de politique-fiction, c'est un excellent président de la France. Il fait tout ce qu'il peut pour protéger les Français et les sortir de la crise. La France a besoin de Nicolas Sarkozy. L'Europe a aussi besoin de Nicolas Sarkozy. La preuve, c'est que la France est plus forte quand l'Europe est plus forte et l'Europe est plus forte quand la France est plus forte.
- Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la France va avoir deux eurodéputés supplémentaires. On ne sait toujours pas comment ils seront désignés ?
- Oui, on n'a pas encore pris les mesures réglementaires nécessaires. Les eurodéputés, ce sont des élus, pas des fonctionnaires. Cela doit donc être une élection, pas une désignation. Désigner des députés, ça me paraît curieux, cela peut être le cas pour des députés ayant seulement le statut d'observateurs.
- Comment vivez-vous votre nouvelle vie d'eurodéputée ?
Tout le monde disait à mon sujet : « C'est une sanction pour elle. » Beaucoup décriaient le tandem Barnier-Dati. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à Michel Barnier, outre ses compétences avérées, c'est un homme loyal et droit. Je souhaite exercer mon mandat, je n'ai pas été élue pour attendre. Un mandat n'est pas un chèque en blanc et les électeurs attendent que l'on travaille. Depuis le premier jour où je suis arrivée ici, je suis présente et je travaille. Je fais d'ailleurs partie des plus assidus et des plus actifs, en séance comme en commission.
Propos recueillis par Yann-Antony Noghès, à Bruxelles
jeudi 5 novembre 2009
Rachida Dati pour un président européen "fort"
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