Alors que Londres accueille les Jeux paralympiques, à Athènes
le parti d'extrême-droite Aube Dorée se répand en incitations à la
haine contre les personnes handicapées et les homosexuels, après s'en
être pris aux immigrés et aux minorités ethniques. Le gouvernement grec
et l'Union européenne ferment les yeux sur ce phénomène qui n'est pas
sans rappeler la montée du nazisme en Allemagne.
Ces nouveaux fascistes défilent en chemises noires avec leurs fusées éclairantes dans les rues d'Athènes, ils terrorisent les minorités ethniques et sexuelles, brandissent un emblème qui n'est rien d'autre qu'une swastika déroulée, et n'ont que mépris pour les institutions politiques. Et pourtant, dans toute l'Europe, ils ne sont toujours considérés que comme un symptôme de la crise économique grecque.
Stratégie de diversion
Il fut un temps où les voyous d'extrême-droite ne s'en prenaient aux immigrés que pendant la nuit. Aujourd'hui, ils opèrent au grand jour, sans crainte des conséquences tant elles sont rares. Le nombre et la gravité des attaques a augmenté ces dernières semaines et si les migrants déposent plainte auprès de la police, ils risquent de se faire arrêter.Non seulement la criminalité contre les immigrés n'est pas considérée comme une priorité, mais en plus bon nombre des militants du parti Aube Dorée sont issus des rangs de la police. Des sondages effectués à la sortie des bureaux de vote en mai 2012 ont montré que dans certaines circonscriptions urbaines, près de la moitié des policiers grecs avaient voté pour le parti raciste qui possède désormais 7% des sièges au Parlement.
Les agressions au couteau, les bastonnades et les attaques en moto sont devenues tellement courantes dans certains quartiers de la capitale que les immigrés n'osent plus y aller seuls. Alors que la Grèce abrite depuis longtemps une importante population immigrée – 80% des réfugiés entrent dans l'Union européenne par les ports grecs -, les étrangers venus trouver refuge dans le pays ont aujourd'hui peur pour leurs enfants. D'après un récent rapport de l'ONG Human Rights Watch intitulé "Hate on the streets" [Haine dans les rues], les "autorités nationales – ainsi que les communautés européenne et internationale dans leur ensemble – ont largement fermé les yeux" sur l'augmentation des violences à caractère xénophobe en Grèce.
Comme si cela ne suffisait pas, le ministre de l'Ordre public, Nikos Dendias, s'est engagé à lutter contre l'immigration qu'il considère comme une "invasion" et comme une "une bombe" prête à faire exploser "les fondations de la société". Il est intéressant de noter que pour lui, la présence des étrangers représente une menace plus grave que la crise économique, un message qu'il n'hésiterait visiblement pas à placarder sur les murs d'Athènes s'il le pouvait.
Le retour du discours raciste s'inscrit dans une stratégie de diversion visant à détourner l'attention d'une population amère face à la crise de la dette et du pouvoir politique. Comme bon nombre de gouvernement de centre-droit, la coalition Nouvelle démocratie reprend le discours de l'extrême-droite et attise la xénophobie au lieu de chercher à apaiser l'opinion publique. Les policiers ont la bénédiction de Nikos Dendias pour interpeler, arrêter et expulser les immigrés. Ils ont déjà mené des milliers d'opérations à Athènes et dans les villes voisines dans le cadre d'un programme baptisé (sans ironie) Zeus, dieu de l'hospitalité.
Vieille technique rhétorique
Comme bon nombre de groupes fascistes, Aube Dorée affirme représenter la classe ouvrière marginalisée. Le parti se dit l'ennemi d'un système démocratique en faillite et exploite le mécontentement populaire face aux erreurs de la gestion néolibérale. Il se déclare contre l'austérité mais n'a aucun projet économique. Sa stratégie repose uniquement sur la violence, la division et le racisme. Les gouvernements grec et européens semblent toutefois prêts à le tolérer et le voient comme la conséquence sociale d'un programme d'austérité qui ferait consensus.L'Union européenne a été fondée après la Seconde Guerre mondiale afin de créer une union sociale et économique sur un continent dévasté par le fascisme. Dans la Grèce d'aujourd'hui, Aube Dorée est considéré comme un parti politique sérieux quand bien même ses représentants rejettent le processus démocratique et ont tendance à agresser leurs rivaux à la télévision.
Longtemps après l'arrivée des nazis au pouvoir en 1933, bien après l'incendie du Reichstag et la légitimation des violences antisémites par le pouvoir politique, les gouvernements européens sont restés plus inquiets du risque socialiste que de la menace fasciste. Presque jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, il était plus important pour les dirigeants internationaux que l'Allemagne paie ses dettes. L'établissement de parallèles historiques avec le nazisme est une vieille technique rhétorique que les commentateurs de gauche comme de droite ont largement galvaudée à propos d'étiquetages alimentaires et autres mesures de prévention routière drastiques. En l'occurrence, il ne s'agit pourtant pas de rhétorique.
De vrais fascistes en chemise brune défilent pour de vrai dans les rues de la capitale, brandissant des swastikas et des flambeaux, mutilant et tuant des étrangers, et les gouvernements du monde entier les regardent avec une effrayante tranquillité tant que les Grecs continuent de payer leur dette à l'élite européenne. Lorsque les leçons de l'histoire sont apprises par cœur sans être comprises, il est facile de les oublier au moment critique. Il est temps pour l'Europe de se souvenir que le prix du fascisme est autrement plus élevé et plus cruel que n'importe quelle dette publique.
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