TOUT EST DIT

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mardi 1 novembre 2011

Grèce : le référendum souligne les fragilités de l'Union européenne

La décision de Georges Papandréou d'organiser un référendum en Grèce a fait plonger les Bourses européennes et notamment les valeurs bancaires. Elle souligne la vanité des projets de sortie de la crise par le haut, c'est-à-dire par la voie fédérale. Si celle-ci peut exister, l'épisode actuel remet en question radicalement la méthode choisie jusqu'alors. 

Les marchés contre le peuple ? Nous y sommes. La décision du Premier ministre grec Georges Papandréou d'organiser un référendum et un vote de confiance au Parlement sur l'accord conclu à Bruxelles a fait l'effet d'une bombe dans toute l'Europe. Les Bourses dégringolent - mais la faillite de la compagnie d'assurance américaine MF Global y est aussi pour quelque chose -, les hommes politiques se terrent - excepté Christian Estrosi qui a jugé la décision du Premier ministre grec irresponsable - et les premières réactions médiatiques semblent rongées par l'anxiété.

On comprend bien pourquoi : depuis trois ans, la plupart des commentateurs et des gouvernants font comme si le peuple grec n'existait pas ou si peu. Pour l'Europe des décideurs, la décision grecque est d'autant moins compréhensible qu'elle survient précisément au moment où l'ensemble des autres pays de l'Union se sont engagés, non sans mal, dans un processus qui efface la moitié de la dette grecque. Comment donc ces Grecs « tricheurs » et « fiscophobes » que nous soutenons à bout de bras, nous font un bras d'honneur ?

En réalité, la bombe de Georges Papandréou ravive la première plaie européenne, celle de la gouvernance : trois jours après la fin d'un sommet qui était censé avoir sauvé l'Union et l'euro, voilà qu'un des gouvernements juge son application impossible dans le pays qu'il dirige sans une approbation du peuple. Il peut conduire bien des défenseurs de l'Union européenne à s'opposer au suffrage universel, comme certains l'avaient d'ailleurs fait au moment où des pays comme la France, l'Irlande ou les Pays Bas avaient décidé de consulter leur peuple sur l'adoption d'une constitution européenne.

La décision de Papandréou heurte de plein fouet les positions de Merkel et Sarkozy et de ceux qui soutenaient leur plan, dont le dernier numéro de Marianne avait jugé qu'il n'avait aucune chance d'aboutir : pour ceux-là l'accélération de l'option fédérale était une sortie de crise par le haut dont augurait bien l'accord de Bruxelles de la semaine dernière. 

La thèse s'était répandue comme un serpentin un jour de Carnaval : il fallait un bond en avant du fédéralisme européen pour nous sortir de la nasse. Unis, les pays de l’Union seraient moins fragiles par rapport aux marchés financiers, et les états les plus endettés pourraient s’appuyer sur les plus prospères pour payer moins cher leurs emprunts, à condition, là encore, de gérer plus drastiquement leurs finances publiques. On rêvait d’une politique budgétaire unifiée et même d’un ministre des Finances commun, qui pourrait être Jean-Claude Trichet, ultime sursis à une retraite bien méritée. Cette option, qui méritait évidemment d’être débattue (Marianne a toujours été favorable à l’idéal fédéral), soulève cependant quelques objections majeures que vient confirmer le dernier épisode du référendum grec.

Un projet fédéral plus bancal que jamais

Un, l’austérité que l’on impose de Lisbonne à Londres et de Paris à Varsovie, finira par affaiblir les pays les plus prospères du vieux continent et donc finalement à alourdir encore davantage la charge de la dette comme certains économistes - Paul Krugman, Patrick Artus, Jean-Luc Gréau - le soutiennent. La santé économique de l’Allemagne ne repose pas sur ses exportations asiatiques – le déficit commercial de Berlin envers Pékin est du même ordre que celui de Paris - mais européennes. Du coup, la cure d’austérité infligée aux pays de l’Union pèse déjà sur la croissance allemande, l’hypothèse d’une récession outre-Rhin et dans toute l'Europe devenant même assez probable.

Deux, pour fédéraliser les politiques économiques, il faut une volonté commune dont on ne perçoit ni les prémices ni les fondements constitutionnels. Contrairement à ce qu'avait annoncé Arnaud Leparmentier dans Le Monde,  les dirigeants allemands sont loin de s'être convertis à l'idée fédérale européenne. Leurs réactions tiennent plutôt à des réflexes de bons pères de famille soucieux de contrôler ce que l'on fait de leur argent. Il ne faut pas confondre la police budgétaire avec l'idéal fédéraliste. Dans ses récentes discussions avec Nicolas Sarkozy, Angela Merkel a mis en avant les contraintes de la Cour de Karlshrue qui contrôle la constitutionnalité des actions gouvernementales. A raison : après le sommet, la Cour constitutionnelle vient de suspendre les prérogatives du sous-comité qui était censé se prononcer dans l'urgence sur les engagements de l'état allemand dans le Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Cette réaction « souverainiste » n’est pas une lubie des élites germaniques. Elle repose sur une société allemande qui a dû payer lourdement le coût de la réunification, puis du regain de compétitivité octroyé sur le dos des salariés et des chômeurs allemands : les salaires réels ont baissé et aujourd’hui, 25% de la population est passée en dessous du seuil de pauvreté. Il sera difficile aux dirigeants allemands de faire accepter le financement des déficits de ses alliés à une opinion chauffée depuis des années par des raisonnements du genre : « Nous n’allons pas travailler jusqu’à 75 ans pour permettre aux gens du sud de travailler 35 heures par semaine et de prendre leur retraite à 50 ans ».

Vers un défaut à 100% de la dette grecque ?

Tout ceci ne signifie pas que l'idéal européen est vain. Il faudrait le remettre sur ses pieds. Lesquels ne sauraient être seulement monétaires et financiers. Le capitalisme européen a une histoire en partage, et il a peut-être encore les ressources intellectuelles et morales d'inventer un destin différent de celui que nous proposent la Chine ou la Grande Bretagne.

Bien sûr, ceci, en regard de la pataugeoire européenne, paraît bien abstrait. Voici deux, trois, quatre fois que nos dirigeants nous jouent le scénario du sauvetage de l'euro, comme si la crise de la dette devenait un hoquet économique que rien ne pouvait stopper. Et à chaque fois, le plan initié capote encore plus vite que lors de la dernière crise.

Un défaut à 100% de la Grèce aura beaucoup d'inconvénients, entre autres celui d'exposer encore plus les dettes italiennes et espagnoles - hier lundi 30 octobre, les obligations de ces deux pays se souscrivaient à respectivement 6 et 5,5% -, ce qui risque de ruiner le fragile édifice élaboré par Angela Merkel et approuvé par notre Président.

Au-delà de ces pays, c'est une récession durable et une crise générale du crédit auxquelles nous sommes exposés. Mais cette crise terminale obligera en tout cas à re-concevoir l'Europe - et aussi, naturellement, l'organisation des banques - de façon radicalement différente.

 

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