jeudi 17 février 2011
Une diplomatie affaiblie
C'était en juillet 2010. Deux anciens ministres des affaires étrangères, un de droite et un de gauche, lançaient un appel. « L'instrument est sur le point d'être cassé, cela se voit dans le monde entier ». L'instrument, c'était l'appareil diplomatique français. Le motif de l'alarme, les coupes budgétaires. Les signataires : Alain Juppé et Hubert Védrine. Les deux derniers « vrais » ministres à avoir occupé le poste, aux dires de nombreux diplomates.
Six mois plus tard, ce diagnostic vient de se transformer sous nos yeux en un verdict politique. Les déboires de Michèle Alliot-Marie sur les multiples zones d'ombre de son récent séjour en Tunisie ternissent la voix officielle de la diplomatie française. À un moment particulièrement inopportun, compte tenu des profonds bouleversements en cours sur l'autre rive de la Méditerranée.
L'enchaînement des ratages, depuis un mois, est impressionnant. De l'aide policière proposée au régime à la veille de sa chute, à la fréquentation assidue et inopportune de membres influents de l'establishment tunisien de la période Ben Ali. Jusqu'aux affaires financières conclues, par sa famille, dans une dimension prétendument privée alors que peu de fonctions, au sein de l'État, sont aussi éminemment publiques que celle de chef de la diplomatie.
Comme pour compliquer un peu plus le tableau, le différend franco-mexicain a tourné au vinaigre et à l'affaire d'État, en l'espace de quelques heures, de quelques mots. En dehors de toute prévision pourtant possible du verdict qui condamne Florence Cassez. De toute gestion pondérée, toujours préférable lorsque le judiciaire et le politique sont si intimement mêlés. De part et d'autre. Les sauts d'humeur sont libératoires, mais le plus souvent mauvais conseillers.
Le malaise, désormais très perceptible au Quai d'Orsay, ne date pas de ce début d'année. « Le Quai est une coquille vide », affirme une diplomate. Tout se décide à l'Élysée. Au point que l'ancien ambassadeur au Sénégal, Jean-Christophe Rufin, avait, l'an passé, critiqué vertement Bernard Kouchner, lui reprochant de ne pas démissionner alors qu'il était « complètement marginalisé ». Notamment sur les dossiers africains.
Nul n'ignore que, depuis 1958, la diplomatie c'est le jardin du Président. Mais jusqu'ici, le jardin était resté accessible, au moins au ministre concerné. Ce n'est plus vraiment le cas. « Les ambassadeurs se sentent comme les magistrats : méprisés », confie même un ancien ministre des Affaires étrangères, insoupçonnable pourtant de velléités subversives.
Comme sur les marchés financiers, le pouvoir est aussi une question de confiance. Le dirigisme limité à une seule garde rapprochée a peut-être l'apparence de l'efficacité, il se prive en fait de tout enrichissement extérieur. C'est un peu ce qui vient de se produire dans la séquence arabe de ce début d'année. L'alignement poli du ministre sur l'Élysée est, en diplomatie, un handicap. Il réduit le jeu des nuances, cruciales dans ce domaine.
Las d'endosser la responsabilité qui incombe aux politiques, les diplomates sourient, depuis quelques jours, à chaque révélation concernant leur ministre. Un sourire amer, car il masque mal l'impression d'un gâchis. Comme si le message politique que le pays envoie à l'extérieur était brouillon, incompréhensible. Sans suivi. Sans cohérence. Sans intuition. En un mot, sans cap. Au moment même où, de Rabat à Téhéran, l'Histoire s'emballe.
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