Voici l’armée, déjà pilier du régime et poids lourd de l’économie égyptienne, officiellement en charge du destin du pays. Depuis le coup d’Etat militaire de 1952, tous les présidents sont issus de ses rangs. Leur pouvoir est garanti par les militaires, qui sont les vrais maîtres du jeu. Malgré cette place centrale, l’institution, sorte d’angle mort du régime, est assez mal connue.
samedi 12 février 2011
Une armée ambivalente et divisée prend les rênes
Les chars sont descendus dans les rues le soir du 28 janvier, deuxième jour de mobilisation massive. Ils ont immédiatement été acclamés par la foule. "L’armée est là pour protéger le peuple, contrairement à la police qui torture et réprime les gens", affirmait le lendemain Omar, un jeune manifestant. "Les soldats sont des conscrits, ils peuvent être nos frères, nos amis", renchérissait son ami Mustafa. La population a globalement une très bonne image de ses soldats, présentés comme des héros, notamment pour leur rôle dans la guerre de 1973 contre Israël, perçue comme une grande victoire en Egypte.
Mais depuis le début de la révolution, leur attitude a été ambiguë: ils n’ont jamais tiré sur la foule, mais n’ont pas non plus protégé les manifestants de la répression policière ou des attaques des baltaguis, les hommes de main payés par le pouvoir. "Ils sont en train de nous tirer dessus là-bas, venez nous protéger!" criait ainsi un jeune à un soldat monté sur un tank le 1er février, quand les policiers tiraient à balles réelles sur les manifestants devant le ministère de l’Intérieur. Sans provoquer d’autre réaction qu’un sourire désolé.
Les déclarations officielles de l’armée, depuis le 25 janvier, n’ont pas permis de déterminer si l’institution prenait parti pour le régime ou pour le peuple. Les militaires ont répété qu’ils ne tireraient pas sur la foule et qu’ils reconnaissaient le droit des Egyptiens à manifester librement; mais ils ont les aussi appelés à rentrer chez eux et à reprendre une vie normale.
La confusion qui a régné jeudi était symptomatique. Alors que plusieurs chefs militaires avaient laissé entendre que la démission de Moubarak était imminente, et que le Conseil suprême des forces armées s’était réuni sans le président égyptien, ce dernier a simplement annoncé un transfert de ses pouvoirs à son vice-président. Ce "faux départ" de Moubarak pourrait être le signe de divisions au sein de l’armée: une partie de l’appareil militaire souhaitait que le raïs quitte le pouvoir, tandis qu’une autre frange l’aurait soutenu jusqu’au dernier moment.
C’est un militaire, le vice-président Omar Souleiman, qui a annoncé vendredi qu’Hosni Moubarak quittait son poste. "Souleiman et Moubarak, ce sont les deux faces d’une même pièce", affirme Ibrahim, un manifestant de 38 ans. L’armée est-elle prête à s’engager sur la voie d’une vraie transition? "La démocratie n’est pas dans la culture des Egyptiens pour l’instant", déclarait Omar Souleiman dans une interview à la chaîne américaine ABC il y a quelques jours.
Propriétaire de nombreuses grandes entreprises égyptiennes – dans l’agriculture, la construction, le tourisme –, l’armée a aussi beaucoup à perdre à démanteler le système en place. Selon certains politologues, il est plausible que ses hiérarques aient sacrifié Moubarak pour mieux sauver le régime.
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