La pression de la rue, certes, mais aussi celle de capitales amies, ont fini par avoir raison de l’obstination de Hosni Moubarak à mettre des formes à son départ.
Il aurait voulu aller au bout de son mandat, en septembre, et transmettre solennellement les clés de la présidence à son successeur, comme cela se fait dans la cour de l’Élysée. Mais il aurait fallu tenir encore sept mois. Trop, dans un contexte aussi bouillonnant que celui du Caire, d’Alexandrie ou de Suez. Trop aussi, quand les anciens partenaires se détournent, comme s’ils ne devaient rien au raïs. Vis-à-vis de l’Amérique et de son allié favori, Israël, le dirigeant égyptien aura maintenu le cap de la paix et du dialogue fixé par son prédécesseur Anouar el-Sadate, qui paya ce choix de sa vie. Pour récompense de cette loyauté, dénoncée par les radicaux de tous les Orients, l’armée égyptienne, longtemps russifiée, a été développée par les États-Unis.
Avec la France, Moubarak a joué le jeu de l’Union pour la Méditerranée, qu’il coprésidait avec Nicolas Sarkozy. Pour solde de tous comptes, il aura réussi - hier au moins - à éviter la fuite précipitée hors d’Égypte, l’exil nocturne auquel dut se résoudre son ex-homologue tunisien. Charm el-Cheikh sera-t-il un refuge durable pour le démissionnaire ? Ce n’est pas sûr. Mais pour l’histoire, ce n’est pas ce qui compte.
Le départ de Hosni Moubarak débouche sur l’incertitude intégrale. Comment le maréchal septuagénaire, pilier du régime précédent, pilotera-t-il la transition vers de nouvelles élections ? Dans quelles conditions celles-ci seront-elles préparées et tenues ? Les forces politiques, unies dans la rue et sur la place Tahrir par le zèle contestataire, ses cris et ses slogans, sauront-elles s’organiser pour gouverner, sans tomber dans le double piège de l’émiettement ou d’un unanimisme qui peut conduire au parti unique ? Et qui perpétuerait les entorses à la démocratie. Des manifestants hésitaient, hier soir, quant à la conduite à adopter.
Les révolutions ont un côté festif qui peut passer pour un but en soi. Mais l’Égypte doit aussi réussir son dégrisement.
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