TOUT EST DIT

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samedi 12 février 2011

Explosion de joie en Égypte

La révolution pacifique (elle a cependant coûté 300 morts...) l'a emporté enfin sur le pouvoir qui, depuis trente ans, imposait sa férule au peuple égyptien. Il aura fallu trois semaines de manifestations persistantes pour aboutir à ce résultat, manifestations animées d'abord par une jeunesse qui a montré son sens des responsabilités et a su éviter la violence. On comprend la joie de ceux qui, depuis des jours et des nuits, demandaient sans relâche le départ du raïs.

La tragédie redoutée, celle d'une répression policière ou celle d'une guerre civile, a été écartée. Le vent de la liberté a soufflé assez fort pour éviter les violences et la fraternité s'est donné libre cours dans les rues du Caire, d'Alexandrie, dans cette Égypte qui se trouve, aujourd'hui, à la croisée des chemins.

Comme on pouvait s'y attendre, c'est l'armée qui se trouve propulsée à la tête de l'État. Le Conseil suprême des forces armées va donc devoir assurer la sécurité du pays et de la rue. Mais quel chemin ce conseil va-t-il emprunter désormais ? Va-t-il maintenir les institutions ? Va-t-il avancer nettement vers une forme de démocratie ? Va-t-il procéder à des élections réellement libres ? Va-t-il reconnaître et admettre l'existence des partis politiques ? Va-t-il rétablir la liberté de l'information ? Quelle sera son attitude vis-à-vis des Frères musulmans, restés discrets jusqu'à présent ? L'armée sera-t-elle tentée de garder le pouvoir ? Et puis les gens vont-ils rentrer chez eux et reprendre le travail comme l'armée le demande depuis plusieurs jours ?

L'histoire est en marche, a dit Obama, avant-hier. Mais l'histoire en marche, c'est le peuple en marche, avec ses espoirs, ses attentes, sa soif de liberté. Et cela peut conduire, de sa part, à exiger de l'armée qu'elle n'assume qu'une transition avant de retourner à court terme dans ses casernes.

En route vers la démocratie ?

C'est cela que l'on peut souhaiter. Mais bâtir une authentique démocratie ne se fait pas en un jour. De vieilles habitudes ont marqué ces militaires qui sont directement au pouvoir aujourd'hui. Sauront-ils se libérer de leurs vieux réflexes ? Et puis, l'armée n'étant sans doute pas unanime, quelles tendances l'emporteront en son sein ? Les plus traditionnelles ou les plus modernes ? Les plus autoritaires ou les plus libérales ? Les choses, on le voit, ne sont pas encore clarifiées, mais, sans attendre, il va pourtant falloir faire repartir l'économie égyptienne pour combler les pertes accumulées, ces jours derniers, et aussi des retards et des inégalités qui ne seront plus supportés.

Ce qui se passe en Égypte, dans le plus grand pays du monde arabe, va avoir inévitablement d'importantes répercussions dans tous le Moyen-Orient. Déjà, on vibre à Tunis où l'on manifeste son allégresse. Il en est certainement de même dans de nombreux pays de la région où vibrent aussi les coeurs, mais également bien au-delà du monde arabe, partout où les libertés sont opprimées et l'on pense, par exemple, à l'Iran.

Souhaitons que la joie extraordinaire des Égyptiens qui nous émeut profondément, aujourd'hui, et que l'espérance qu'elle exprime, celle de la construction d'un État démocratique et laïc ne soit pas déçues, demain, comme on l'a vu, hélas, dans certains pays qui ont replongé dans l'autoritarisme après des évolutions qui paraissaient si favorables. Il faut donc rester vigilant. Souhaitons aussi que la paix avec Israël ne soit pas compromise et que, au contraire, ces événements permettent une avancée dans le règlement des problèmes qui empoisonnent les relations entre pays dans cette région du monde.

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