TOUT EST DIT

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samedi 12 février 2011

Méfiances

Ce n’est pas de leur faute si les Français ne parlent que d’eux-mêmes, et il ne faut pas blâmer l’échantillon de peuple offert sur TF1 à la réassurance présidentielle: les souffrances sont réelles et nul ne peut se sentir responsable des autres, si on ne l’y provoque pas.
Délibérément, Nicolas Sarkozy a joué un entre-soi gaulois le soir où l’Egypte basculait, et ce renoncement est tristement significatif: notre pays est bien hors du monde, et sa population invitée à s’en désintéresser ou à le craindre.

Qu’exprime la France quand l’espérance démocratique renverse le monde arabe? Rien, sinon la gêne ou la peur. Seule parole saillante jeudi soir, l’inquiétude présidentielle d’une bascule islamiste en Egypte, à l’instar de l’Iran des années 1970… C’est un risque possible et un raccourci supputatif. Lancé à l’emporte-pièce sur un plateau télé, il transforme la parole d’Etat en un commentaire express façon chroniqueur médiatique. Sauf si cette rapidité dévoile une idéologie.

Cela fait un moment que la France n’aime pas que bougent blocs et peuples. Elle préférait le glacis de l’URSS au chaos de 1989; elle s’accommodait mieux des raïs arabes, partenaires stables et hôtes généreux, que des inorganisés de la place Tahrir. On nous fait croire que la France éclairait le monde? Elle n’a fait que tenir la chandelle pour des gouvernants autoritaires: Giscard relayant Brejnev envahissant l’Afghanistan, Mitterrand reconnaissant les putschistes anti-Gorbatchev en 1991, et aujourd’hui, Moubarak et Ben Ali…

Ce conservatisme au long cours rejoint le pessimisme profond de Nicolas Sarkozy sur l’affrontement global entre l’Occident et le monde de l’islam. Spontanément, sur l’Egypte, il est plus proche des craintes de Netanyahou que des audaces – même calculées – d’Obama. C’est une ligne, constante. Elle n’est pas indifférente à la situation française, où l’inquiétude autour de l’islam est organisée par le pouvoir.

Ainsi, cette sortie présidentielle sur le "multiculturalisme qui a échoué", et ses considérations sur "nos compatriotes musulmans", validés à prier, mais sans ostentation ni burqa et dans le respect des femmes. Comme si la burqa ou le machisme ou les prières de rue étaient des phénomènes dominants chez les musulmans français, méritant d’être mis en balance avec la liberté de conscience?

L’observation est fascinante à force d’être biaisée. Mieux encore. La France, contrairement au Royaume-Uni, n’a jamais pratiqué le "multiculturalisme" ou de relativisme culturel, inventant au contraire des lois laïques inédites en Europe! Et enfin: s’il est un homme politique ayant approché le multiculturalisme, c’est Sarkozy lui-même, quand il tâtonnait la modernité, valorisait l’islam et l’église et secouait une laïcité qu’il jugeait fermée…

Toutes audaces enterrées, il tient désormais un discours de méfiance, séparant la France de toujours, laïque ou chrétienne, des nouveaux venus musulmans qui devraient faire leurs preuves. Méfiance intérieure, méfiance extérieure… S’il s’agit juste de contrer Marine Le Pen, quel dommage.

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