TOUT EST DIT

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mardi 8 février 2011

Les deux méthodes

Même quand elle est anonyme, lointaine, perdue dans le fracas brutal de l’actualité, c’est toujours une information insupportable à entendre. Physiquement insupportable. On n’en sort pas indemne. Quand il entend à la radio qu’une adolescente s’est fait massacrer par un violeur, tout père, même le plus pacifique, est saisi au cœur. Ce fait divers-là est douloureux, intime, forcément intime, parce qu’on l’incarne, on l’identifie : et si c’était ma fille ? Et tout père est alors submergé par ce mélange d’incompréhension et de révolte. Par une pulsion vengeresse qui balaie toute raison. Une pulsion sauvage, animale, tripale…

Nul doute que le président de la République ait éprouvé ce sentiment-là lui aussi. Nul doute qu’il ait sincèrement ressenti la nécessité instinctive d’apporter une réponse à la famille d’accueil de Lætitia. Et de ne pas la laisser sans un mot face au vide, au noir absolu d’un crime sans autre réponse que le fatalisme. Nul doute qu’il ait le droit de s’interroger à haute voix sur le doute effroyable qui étreint toute société en pareil cas : la justice de mon pays a-t-elle vraiment tout fait pour empêcher qu’un tel cauchemar se produise ?

Jusque-là, 99,9 % des Français sont d’accord. Pour aller plus loin, deux méthodes s’offrent alors aux responsables politiques. La première, facile, simple, rapide et très politique - il faut rapprocher la justice du peuple - consiste à chercher des fautifs au sein de l’appareil judiciaire et à leur promettre une sanction. Avec cette hypothèse : le crime n’est le résultat que d’une négligence ou d’un laxisme. C’est l’option choisie par le chef de l’État. Elle flatte les impatiences d’une partie de l’opinion publique mais, de l’avis même de juristes qui d’ordinaire n’épargnent pas les manquements du système judiciaire - comme l’avocat général Philippe Bilger - elle est injuste : ne présume-t-elle pas d’une indulgence coupable des magistrats ? Ne les rend-elle pas implicitement et collectivement responsables ? On voit le résultat ce matin : la grève de juges infantilisés et les vaines réprimandes d’un Premier ministre qui ne les comprend pas. Une nouvelle polémique alors que la pauvre Lætitia n’est même pas encore enterrée…

L’autre solution, plus humble, commanderait d’assumer tous ensemble les limites de notre machine judiciaire. Et d’inviter la représentation nationale à affronter ce défi avec sang-froid, dignité et œcuménisme, comme avait su le faire la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau. Après tout, ce sont les députés et les sénateurs qui font les lois… dont plus de 40 % ne sont pas appliquées. A eux d’en évaluer la pertinence et la mise en œuvre par le pouvoir exécutif. En dehors de toute émotion compassionnelle, toujours mauvaise conseillère.


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