mardi 8 février 2011
État de guerre
Entre Nicolas Sarkozy et les magistrats, il n’est pas exagéré de parler d’état de guerre. Le président de la République s’en est pris à plusieurs reprises aux « dysfonctionnements » de la justice, une manière d’accuser les juges de laxisme. Il a franchi jeudi dernier une étape supplémentaire en demandant des sanctions pour les policiers et les magistrats qui ont laissé sans surveillance Tony Meilhon, accusé d’avoir assassiné la jeune Laëtitia Perrais. Les juges ont réagi avec une grande violence, que Marc Trévidic, président de l’Association française des magistrats instructeurs, a portée hier à son paroxysme. Le juge antiterroriste, qui est notamment chargé d’un volet de l’affaire Karachi, dans laquelle le nom du chef de l’État est cité, n’y est pas allé de main morte, accusant Nicolas Sarkozy d’être un « multirécidiviste », auquel il faudrait appliquer « une peine plancher ».
Cette guerre des mots ne grandit personne. Depuis le remaniement ministériel de novembre, le chef de l’État avait semblé prendre – enfin - de la hauteur. En tout cas, c’est ce qu’il tenait à faire croire. Après avoir reconduit François Fillon, il racontait à qui voulait l’entendre – et on ne demande qu’à entendre ce genre de propos - que son rôle n’était pas de réagir à chaud à chaque polémique qui secoue la France. Or, il fait exactement le contraire, prouvant, fait divers tragique après fait divers tragique, qu’il a gardé ses réflexes de ministre de l’Intérieur et qu’il a décidément du mal à endosser le costume présidentiel. C’est d’autant plus navrant qu’il est le garant de l’indépendance, mais aussi de la sérénité de la Justice.
Du côté de certains magistrats, les réflexes ne sont pas plus défendables. Les juges sont indépendants du pouvoir politique, mais ils rendent leurs verdicts au nom du peuple français, qui a le droit de leur réclamer des comptes. Ils ne peuvent pas se retrancher dans une tour d’ivoire, derrière une infaillibilité que même le pape ne réclame plus systématiquement. Leur mouvement a des relents de corporatisme. Quant aux attaques de Marc Trévidic contre le président de la République, elles sont inadmissibles, parce qu’il bafoue, lui aussi, la séparation constitutionnelle entre les pouvoirs politique et judiciaire. Il est temps de sonner la fin des hostilités, car si l’on ne sait pas qui va sortir gagnant de cette guerre entre l’exécutif et le judiciaire, le perdant est déjà connu : c’est le justiciable.
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