Mieux que Jack Bauer ! Les acteurs politiques français sont formidables. En 24 heures chrono, ils ont réussi à fabriquer la toute première polémique explosive de l’année. La grande représentation du cirque microcosmique est déjà lancée, pétaradante comme une mobylette sans pot d’échappement sous le chapiteau encore silencieux de l’an nouveau.
En piste, un numéro majeur : celui des 35 heures. De la nitroglycérine concentrée pour attaquer l’agenda.
En proposant de déverrouiller les 35 heures, le second couteau Manuel Valls a voulu étonner en passant à la dynamite pour se faire remarquer, effet réussi. Un candidat aux primaires socialistes qui ose aller plus loin encore que ne l’avait fait Nicolas Sarkozy, c’est du brutal, aurait souri Michel Audiard.
Mais les réactions que l’audace du député maire d’Évry a déclenchées n’ont pas eu l’inspiration du dialoguiste. Plus préoccupant encore : elles ont révélé l’immaturité d’un débat sur le temps de travail, qui mérite mieux que le noir et blanc, pourtant. Les réactions ont été primaires en oubliant et la couleur, et le contraste.
D’un côté, une droite qui triomphe sur le registre moqueur et sur le mode condescendant du « on vous l’avait bien dit ! »
De l’autre, un PS qui prend un plaisir pervers à étaler ses contradictions, voire ses incohérences sur un sujet fondateur pour la gauche et n’est pas loin de voir en Valls un social-traitre.
L’ancien proche collaborateur de Lionel Jospin à Matignon pose pourtant une vraie question quand il s’interroge sur le caractère décalé, voire dépassé de la réduction du temps de travail version Martine Aubry. Mais plutôt que de discuter sans tabou (arrêtons-nous ici pour admirer le cliché), on s’envoie caricatures et métaphores à la figure. Et que je te verrouille par ci et que je te déverrouille par là. Et que je te dérouille celui qui n’est pas dans le droit chemin. Etc, etc. Un jeu archaïque qui n’amuse que cette petite classe en délire.
Le sujet pourtant intéresse définitivement les Français, clivant tous les courants d’opinion, riche en multiples nuances. Plus que la question du temps de travail - 39,2 heures en moyenne - il pose simultanément celle du seuil de déclenchement des heures supplémentaires - et donc du pouvoir d’achat - et celle de la productivité.
Pour réduire un coût du travail bien supérieur à celui de nos voisins allemands, faut-il suivre la voie de la rupture qu’ils ont enclenchée il y a déjà sept ans avec Gerhard Schröder ? Ou peut-on encore rêver aux bienfaits de la civilisation du temps libre tout en œuvrant à la revalorisation de la valeur travail ?
La gauche, mais aussi la droite, seront-elles capables de bousculer leurs conformismes et de remiser leurs vieilles idéologies pour réfléchir en liberté ? Auront-elles cette ambition-là ? La séance cadenassée d’hier permet d’en douter.
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