Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry voulaient faire des 35 heures une réforme emblématique de la « gauche plurielle », comme les congés payés avaient symbolisé les acquis du Front Populaire, en 1936. Mais le bébé est mal né et, dix ans après, le PS traîne les 35 heures comme un boulet. La réduction du temps de travail a surtout profité aux cadres. Pour la grande masse des salariés « de base », les cadences ont augmenté, les revenus ont stagné quand ils n’ont pas baissé, et, depuis la crise, les chantages à l’emploi se multiplient, obligeant des milliers d’ouvriers à revenir aux horaires antérieurs (ou au-delà) sans récupérer une once des sacrifices qu’ils avaient été obligés de consentir quand ils étaient passés aux 35 heures.
La compétitivité de l’économie française a souffert, tout comme les finances publiques, qui ont été largement mises à contribution pour installer notre pays à contre-courant de nos voisins et concurrents.
Manuel Valls n’est pas le premier socialiste à remettre en cause la pertinence des lois Aubry, et notamment leur rigidité. Ségolène Royal avait déjà jugé « pas crédible » l’extension des 35 heures à l’ensemble des entreprises. Problème : c’était après qu’elle eut fait figurer leur généralisation dans son programme électoral. Si elle avait été élue, en 2007, elle aurait donc imposé les RTT à tout le monde… avant de faire inévitablement machine arrière.
En suggérant de « déverrouiller » les 35 heures avant que le débat électoral ne s’engage, Manuel Valls est plus responsable et plus honnête. Il mise sur le réalisme plutôt que sur le romantisme pour sortir le PS d’une impasse économique et idéologique, tout en glissant, au passage, une peau de banane sous les pieds de Martine Aubry et de DSK, ses potentiels rivaux à la primaire socialiste. C’est de bonne guerre, mais le député-maire d’Evry est à contretemps, car les 35 heures ont déjà été « déverrouillées » et, même, vidées de leur substance. Certes, elles continuent de coûter cher, mais Manuel Valls ne trouvera pas beaucoup de salariés prêts à revenir à 39 ou 40 heures sans être payés en heures supplémentaires ! C’est avant de passer aux 35 heures qu’il aurait dû élever la voix. Désormais les lois Aubry sont à l’image de l’euro, également concrétisé sous le gouvernement Jospin : y rester coûte très cher, en sortir coûterait encore plus cher.
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