TOUT EST DIT

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mardi 2 novembre 2010


La malédiction des réformateurs


Si l'on en croit les sondages, les élections de mi-mandat qui se déroulent ce soir aux Etats-Unis devraient se solder par un échec cuisant pour Barack Obama. Le Parti démocrate devrait perdre sa majorité à la Chambre des représentants et si le score s'annonce plus incertain, rien ne dit que le Sénat ne tombera pas, lui aussi, aux mains des républicains. Dans l'hypothèse où un tel scénario se confirme, cela signifie que le président américain ne pourra plus conduire de réformes majeures jusqu'à la fin de son mandat. Pire, celles qu'il a déjà engagées, comme la refonte de l'assurance-maladie, visant à donner une couverture santé à 45 millions d'Américains qui en sont dépourvus, pourraient tout simplement être vidées de leur substance, faute d'obtenir les crédits nécessaires d'un Congrès devenu hostile. S'il n'est pas le premier président à perdre les « mid terms », un tel revers laisse songeur lorsqu'on se souvient de l'élan populaire entourant l'élection de Barack Obama en 2008. Au-delà même de l'immense émotion suscitée par l'arrivée d'un homme noir à la Maison-Blanche, somme toute classique dans une démocratie encore très attachée au mythe de l'homme providentiel, le nouveau président, élu avec 52 % des suffrages, soit plus de 60 millions de voix en sa faveur, avait acquis une légitimité et un mandat clairs pour appliquer son programme. Deux ans et une crise plus tard, l'opinion s'est retournée et Barack Obama est à son tour victime de la malédiction des réformateurs, la même que vivent en ce moment même Nicolas Sarkozy en France et, dans une moindre mesure, Angela Merkel en Allemagne. La réforme de la santé américaine comme celle des retraites en France ne s'appliqueront que dans plusieurs années, ce qui interdit à leurs concepteurs d'en tirer le moindre bénéfice. Au contraire, les bouleversements qu'elles imposent au corps social au moment où elles sont décidées coûtent très cher aux dirigeants qui les ont portées. Lors de la campagne de 2007, le candidat Sarkozy, en privé, résumait d'une formule ce paradoxe qu'il avait largement anticipé : « Je suis élu, je fais les réformes et je m'en vais. » Même s'il sera candidat, comme Obama, à un deuxième mandat, se pose une question de fond : le temps des réformes structurelles est-il compatible avec celui d'une opinion de plus en plus consumériste ? Autrement dit, un homme disposant d'un mandat politique de quatre ou cinq ans a-t-il aujourd'hui les moyens de conduire le programme pour lequel il a été élu sans le payer du prix de sa non-réélection ? Si l'on admet que les grandes démocraties abordent un long cycle de restructurations majeures de leurs organisations sociales, la question méritait d'être posée.

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