TOUT EST DIT

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mardi 2 novembre 2010

Le vote d'une Amérique inquiète

Il y a deux ans, malgré l'euphorie qui accueillit Barack Obama sur les pelouses de Grant Park, à Chicago, le soir du sacre, personne ne croyait au miracle. Le pays venait d'entrer dans une très grave crise économique et portait le fardeau de deux guerres. La tâche était énorme. Pour autant, le sourire imprimé sur le visage du nouveau président réconciliait une majorité d'Américains avec deux moteurs de leur histoire. La force des destins personnels et la force de l'espoir.

Deux ans plus tard, cet élan est brisé. Abreuvés de sondages, les électeurs américains votent aujourd'hui, avec la conviction que le camp démocrate va essuyer une défaite. Comme s'il ne restait plus qu'à en déterminer l'ampleur.

Les techniciens de la mécanique électorale américaine ont raison de rappeler que les élections de mi-mandat sont très souvent l'occasion d'un vote sanction. Que de 1948 à 2008, la cohabitation entre un président d'un bord et une majorité parlementaire d'un autre bord a été plus la règle qu'une exception. Que depuis la guerre, seuls deux présidents ont gagné des sièges à mi-mandat. Que la déroute de Clinton, en 1996, ne l'a pas empêché d'être réélu deux ans plus tard. Tout l'intérêt des institutions américaines réside justement dans cette capacité qu'a la plus vieille Constitution du monde de réserver des surprises.

Mais ces considérations électorales ne permettent pas de décrire le climat d'inquiétude qui parcourt les États-Unis. Deux ans après le début de la crise, le chômage continue de frapper à un niveau, 9,6 %, auquel le pays n'est pas habitué. Les saisies immobilières continuent elles aussi. La croissance se fait attendre. Comme si le rebond de l'économie américaine, ponctuel après chaque crise tout au long du XXe siècle, risquait cette fois de ne pas advenir. Comme si le doute, vertu peu américaine, s'insinuait. Un sondage, publié dans Newsweek, en donne la mesure. 63 % des Américains estiment qu'ils ne vont pas pouvoir maintenir leur standard de vie.

Pour un ouvrier de l'Ohio, un représentant de la classe moyenne californienne ou un chômeur latino de Floride, ces chiffres dominent tout le champ de vision. Rendant invisibles les arguments de la Maison-Blanche, qui rappelle l'énorme plan de relance de plus de 700 milliards de dollars, la réforme du système de santé, celle de Wall Street, le retrait d'Irak. Les électeurs sont moins sensibles à la qualité du médicament qu'aux effets tangibles de la cure. Or, ceux-ci se font attendre.

Pour les opposants de toujours à l'élection d'Obama, ce doute est même devenu colère. Le mouvement Tea Party s'est nourri, depuis l'an dernier, de l'interventionnisme de l'État fédéral dans la crise. Ce mouvement est à la fois l'expression d'un racisme qui ne dit pas son nom, d'un populisme qui fleurit avec la récession et d'une tradition anti-Washington aussi vieille que la démocratie américaine. Il n'en constitue pas moins le principal foyer d'opposition, et pèse déjà lourdement sur la reconstruction en cours du Parti républicain.

En cas de revers mesuré, Barack Obama aura un peu de marge pour adopter une nouvelle ligne économique. En cas de défaite cinglante, il lui sera difficile de maintenir son goût pour le compromis et de résister aux tentations protectionnistes. Car, face à une machine républicaine toujours redoutable dans l'adversité, il lui faudra se concentrer plus que jamais sur la seule scène où se joue une réélection : la scène intérieure.

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