TOUT EST DIT

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mardi 2 novembre 2010

Pierre-Luc Séguillon, l’homme qui plaça Ségolène Royal à Matignon

L’un des plus brillants éditorialistes vient de disparaître ce week-end de la Toussaint. Retour sur un grand artisan de l’analyse politique des années 1980 qui fut blogueur à la fin des années 2000.

 Au milieu des années 1980, la période la plus propice au débat politique dans l’audiovisuel, deux émissions phares se partageaient les audiences en "prime time" un soir de la semaine chaque mois à la télévision.

Il y avait "L’Heure de vérité" sur Antenne 2 présentée par François-Henri de Virieu et qui durait bien plus d’une heure au cours de laquelle l’invité (généralement politique) répondait aux questions successivement d’Alain Duhamel, d’Albert du Roy, de Jean-Marie Colombani (ou d’un autre journaliste invité) et des téléspectateurs.

Cette émission était l’unique référence en politique. Passer à "L’Heure de vérité" était équivalent à faire partie du "Bébette show" (à l’époque, il n’y avait pas encore de "Guignol de l’Info").

Parallèlement à cette émission, TF1 n’était pas en reste et avait voulu faire une émission équivalente : ce fut "Questions à domicile" présentée par Pierre-Luc Séguillon et Anne Sinclair (émission qui n’a duré que deux ans, entre 1985 et 1987). Un peu racoleuse d’ailleurs puisqu’on pouvait regarder non seulement l’intérieur de l’habitation des hommes politiques mais écouter également son conjoint (souvent conjointe d’ailleurs) ce qui faisait un peu de la politique spectacle.

On pouvait ainsi savoir que France et François Léotard faisaient chambre à part, que c’était Monique Lang qui décidait de la décoration chez Jack, que Michèle Rocard n’hésitait pas à dire beaucoup de bien de son mari dans l’optique de l’élection présidentielle de 1988. L’exposition médiatique des hommes politiques n’était pas forcément pertinente quand il fallait par la suite annoncer une séparation.

Au début, j’avais justement quelques réserves sur Pierre-Luc Séguillon dont le militantisme socialiste n’avait d’ailleurs jamais été caché. Mais très rapidement, au même titre que des personnalités comme Noël Copin, René Rémond, Alain Duhamel ou Philippe Alexandre, la voie de Pierre-Luc Séguillon était devenu coutumière dans les analyses politiques.

Passé dans la grande aventure de la Cinq, Pierre-Luc Séguillon a poursuivi sa carrière sur LCI du 24 juin 1994 au 31 décembre 2008 tout en ouvrant le 21 avril 2006 un excellent blog politique où il écrivit près de sept cents billets en deux ans et demi. Parallèlement, aux côtés d’autres éditorialistes politiques très médiatiques, il participait à l’émission du dimanche soir "Grand Jury" diffusée sur RTL (et LCI à partir de septembre 1996) en partenariat avec "Le Monde".

Pierre-Luc Séguillon avait été remercié par LCI en fin 2008 et ce dernier en avait sans doute ressenti de l’amertume après tant d’années de fidélité. Il avait retrouvé pied sur I-Télé mais avait un mal qu’il devait combattre et qui l’a emporté le 31 octobre 2010 à l’âge de 70 ans (comme son collègue de "L’Heure de vérite" en 1997).

Né à Nancy le 13 septembre 1940, engagé politiquement et également religieusement (il a démarré sa trajectoire chez "Témoignage chrétien" dont il a présidé le conseil de surveillance et a eu également une brève collaboration avec la chaîne catholique KTO), Pierre-Luc Séguillon était "moulé" par une formation peu orthodoxe pour un journaliste puisqu’il avait fait des études de langue orientale, de théologie et de philosophie.
 Tout récemment, Pierre-Luc Séguillon s’était "amusé" à écrire un roman de politique fiction ("2012 : La revanche") qui montre son excellente connaissance du microcosme politique en imaginant une Ségolène Royal devenue l’énigmatique Premier Ministre de Nicolas Sarkozy.

Pierre-Luc Séguillon restera parmi les grandes voix des éditorialistes politiques français qui firent de la vie politique dans les années 1980 un sujet passionnant et important dans les médias (et en particulier à la télévision).

Il ne semble pas avoir eu l’opportunité d’une exposition durable dans les émissions les plus regardées du paysage audiovisuel français, ce qui est une lacune regrettable et hélas définitive. Les hommages qui pleuvent désormais à l’annonce de sa disparition lui rendent au moins justice de son talent et surtout, de son professionnalisme.
Parmi d’autres, François Bayrou insistait sur sa « grande élégance physique, intellectuelle et morale » en ajoutant : « Ses analyses économiques étaient profondes, informées et jamais il ne se résignait à accepter les signes de déclin que, pourtant, il analysait justement. Il aimait son métier, il aimait les autres. Il manquera profondément à tous ceux qui ont une certaine idée du journaliste dans la cité. ».

Espérons que cette « idée du journaliste dans la cité » soit encore défendue et approfondie par la jeune génération.

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