TOUT EST DIT

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vendredi 26 novembre 2010

Faut-il réduire les dépenses de santé ?

Chaque automne, le Parlement vote la loi de financement de la Sécurité sociale. Le débat s'ouvre à chaque fois par le constat horrifié du « trou de la Sécu ». Trou, c'est-à-dire déficit, endettement et report sur les générations futures...

Il serait facile de combler ces déficits en augmentant les cotisations à la mesure des dépenses. Mais cela reviendrait à assumer leur croissance rapide. En Suisse, les déficits sont exclus pour les assurances en charge de la couverture santé. Mais on observe dans ce pays la même dramatisation à l'automne, lorsque les nouveaux tarifs sont annoncés.

C'est donc la rapidité de la croissance des dépenses de santé qui pose problème. Dans tous les pays développés, elles croissent beaucoup plus vite que le revenu des ménages, comme en France, où elles représentaient un peu moins de 4 % du produit intérieur brut en 1960, contre plus de 11 % actuellement.

La croissance de ces dépenses est-elle un processus incontrôlé ? Dépensons-nous trop pour notre santé ?

Contrairement à une opinion répandue, le vieillissement ne joue qu'un rôle dans cette évolution. Certes, chaque individu voit ses dépenses de santé augmenter lorsqu'il vieillit. Mais les changements les plus importants sont dus au fait que les dépenses individuelles augmentent dans le temps, à âge et à maladie donnés.

En 2009, par exemple, un homme de 50 ans affecté d'un diabète dépense beaucoup plus pour sa santé que le même cinquantenaire diabétique ne dépensait en 2000. Ce mouvement est lié au progrès médical : de nouveaux produits et de nouvelles procédures apparaissent, qui induisent des changements dans les pratiques médicales. Sur la période 1992/2000, l'impact en France de ces changements est vingt fois plus élevé que celui du vieillissement.

C'est la diffusion des innovations médicales qui conduit à une hausse des coûts de la santé : de nouveaux traitements apparaissent, dont l'usage s'étend rapidement. L'exemple de la cataracte est éloquent, ainsi que celui du traitement des crises cardiaques : l'angioplastie est moins coûteuse que le pontage et assure une meilleure qualité de vie après l'opération. Cette innovation a rendu possible une extension du traitement à des patients plus nombreux. Beaucoup d'autres innovations médicales, comme la prothèse de hanche ou la chirurgie du genou, améliorent la qualité de vie des malades, tout en conduisant à une augmentation de la dépense de soins par personne, à âge et pathologie donnés.

Ces dépenses sont-elles justifiées ? La question doit être posée, car leur couverture est majoritairement financée par des prélèvements obligatoires. Pour y répondre, il faut mesurer la valeur des gains en bien-être et en longévité obtenus en contrepartie des dépenses de santé. Selon une étude réalisée pour les États-Unis, entre 1970 et 2000, les progrès en santé et en longévité auraient représenté chaque année un gain égal à 32 % du produit intérieur, soit plus du double des dépenses sanitaires.

Grâce aux innovations médicales, nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Les gains en bien-être obtenus semblent gigantesques. Certes, des gains d'efficacité sont possibles. Mais il est urgent d'organiser un débat sur le niveau de dépenses conforme à nos préférences collectives. Focaliser sur le niveau des prélèvements obligatoires empêche de réfléchir sur les dépenses que nous désirons.

(*) Professeur à l'université Paris Dauphine, directrice de la Chaire Santé de la Fondation du Risque.

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