TOUT EST DIT

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mercredi 27 octobre 2010

Sarkozy-Copé ou le désir mimétique en politique

Ils se ressemblent trop pour pouvoir s'entendre. Ils se ressemblent trop pour ne pas pouvoir se comprendre. Entre Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé, la relation est à la fois transparente et compliquée. Chaotique et prévisible. Semblable à ce que fut longtemps le lien entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Sauf revirement final, le président de la République confiera la charge de l'UMP au président du groupe à l'Assemblée nationale. Publiquement, les deux hommes souligneront le triomphe de l'unité, de la réconciliation, de la responsabilité… Autant d'ingrédients nécessaires à une victoire en 2012. Mais derrière l'affichage officiel, chacun se réjouira d'une victoire personnelle. Copé jubilera d'avoir obtenu ce qu'il voulait, et surtout d'avoir prouvé que le chef de l'Etat a été contraint de composer avec lui. Sarkozy se vantera d'avoir lié le maire de Meaux, d'avoir transformé un rival en féal.

C'est un trait commun aux deux hommes : toujours apparaître comme le maître des décisions, ne jamais laisser transparaître le moindre signe de faiblesse. Etre indépendant en persuadant que ce sont les autres qui sont dépendants de lui. C'est la stratégie qu'ils n'ont cessé de suivre. En particulier avec le président de la République en place, en qui ils ont d'abord vu un prédécesseur.

En 1996, Jacques Chirac a ainsi reçu à l'Elysée l'ancien lieutenant d'Edouard Balladur, après un an de quarantaine pour « trahison ». Le maire de Neuilly n'a jamais présenté ce rendez-vous comme le retour du fils prodigue implorant le pardon. Mais au contraire comme l'aveu par son aîné, plombé par l'impopularité du gouvernement Juppé, qu'il avait besoin du talent de son cadet pour rebondir. Durant dix ans, la relation entre les deux félins politiques a été empreinte de cette ambiguïté. Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'être reconnu par Jacques Chirac sans jamais rien lui devoir ; d'être choisi par lui sans jamais rien lui demander ; de se démarquer de lui tout en lui ressemblant, à une génération d'intervalle. Même ambition initiale, même énergie infatigable, même compétence reconnue, même accusation de trahison tenace mais surmontée, et même objectif.

Chirac et Sarkozy ont vingt-trois ans d'écart. Sarkozy et Copé n'en ont que dix. Mais le parallèle est identique. Jusqu'au regard sur leur aîné, à la fois admiré, jalousé et brocardé. Dans une relation constante et forte avec les journalistes, l'ancien président de l'UMP n'avait pas de mots assez ironiques ou cruels pour pointer l'immobilisme ou la faiblesse du locataire d'alors de l'Elysée. Quitte à changer de pied dans les phases de réchauffement. Soulignant avec gravité un changement de regard réciproque, forcément réciproque.

Copé rejoue la même partition vis-à-vis de l'actuel chef de l'Etat. Dans les phases de tension, il raillait les comportements du « Sarkoland ». Cultivant lui aussi avec soin sa relation avec la presse, il sculptait sa propre image d'opposant de l'intérieur, tout comme Sarkozy avait théorisé sa « rupture » avec la Chiraquie. Depuis la rentrée, le ton a changé. Tous deux, fait-il valoir, ont appris à se connaître, à dépasser leurs querelles anciennes, ont mûri… Bref, leur regard mutuel aurait changé. Et Jean-François Copé, à son tour avec gravité, égrène les échanges téléphoniques qui se resserrent, les déjeuners et les tête-à-tête qui se multiplient, avec la même fierté difficile à cacher que Nicolas Sarkozy se félicitait il y a quelque temps de sa confiance retrouvée (provisoirement) avec Jacques Chirac. Se poser en interlocuteur singulier et obligé du président de la République fut pour l'ancien maire de Neuilly, et est aujourd'hui pour le maire de Meaux, un moyen de se poser en prétendant légitime et crédible à la fonction.

Illustrant le principe du « désir mimétique » énoncé par le philosophe René Girard, Jean-François Copé a calqué son attitude sur celle du chef de l'Etat. Même si leurs personnalités diffèrent, le président du groupe UMP étant plus secret sur lui-même et sur ses convictions profondes que ne l'est le président de la République.

L'un comme l'autre ont compris - comme Jacques Chirac et François Mitterrand avant eux -que la maîtrise d'un parti politique était une condition préalable et nécessaire à la conquête de l'Elysée. En 2004, le ministre des Finances a choisi de quitter le gouvernement pour prendre la présidence de l'UMP. En 2010, l'ancien porte-parole des gouvernements Raffarin et Villepin fait savoir haut et clair qu'il ne veut pas être nommé à Matignon, préférant se voir confier l'animation du parti majoritaire. Avec une différence de taille, toutefois : Sarkozy avait conquis l'UMP contre l'avis de Chirac, impuissant à l'en empêcher, alors que Copé ne peut devenir secrétaire général que par décision de Sarkozy.

Même parallélisme enfin sur la méthode de travail. Le vainqueur de 2007 s'était distingué en alimentant à l'avance le débat d'idées. L'ancien patron de l'UMP rythmait le débat à droite de « conventions thématiques » qui apportaient chaque mois son lot de propositions neuves voire iconoclastes (la discrimination positive, les peines planchers, les franchises médicales…). Avec son club Génération France, le président du groupe à l'Assemblée reprend la même tactique en cherchant lui aussi à bousculer les schémas habituels (fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG ou la suggestion faite hier d'instaurer un examen avant le passage en classe de 6 e).

En 2001, par son livre « Libre », Sarkozy avait fourni un projet à la droite pour la présidentielle de 2002. Mais avait dû attendre l'élection d'après pour le porter lui-même. Jusque dans la patience imposée, Copé a trouvé son modèle.

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