TOUT EST DIT

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mercredi 27 octobre 2010

Banlieues sans mode d'emploi


À Clichy-sous-Bois, épicentre des émeutes de 2005, il y a cinq ans exactement, la justice n'a toujours pas éclairci les circonstances de la mort des deux garçons, Zyed et Bouna, réfugiés dans un transformateur d'EDF afin d'échapper aux policiers. Un procès ? Le gouvernement et la justice hésitent. Le débat judiciaire risquerait de rallumer un feu mal éteint.

Face à ses banlieues, c'est dire si la République se sent peu sûre d'elle-même. Elle bégaie en réalité. Elle ne sait plus quel label apposer sur ces quartiers de la relégation qui cumulent chômage, précarité, échec scolaire et fort taux de populations immigrées. Cités sensibles, quartiers pauvres, ghettos, Zus, Zep... Elle peine à regarder sa réalité banlieusarde en face. La banlieue fait peur. La peur est mauvaise conseillère.

Elle bouge pourtant, elle vit, cette banlieue inflammable française, au point d'intéresser l'ambassade américaine à Paris, qui vient, délicatement, y repérer et puiser de jeunes talents promptement invités à séjourner aux USA. Les cités dites difficiles ne sont pas des zones abandonnées à la friche. La rénovation urbaine, relancée par Jean-Louis Borloo en 2003, avant les émeutes, produit ses effets. Petit à petit, la France gomme de son paysage les grandes barres invivables, ces immeubles sous-inspirés par l'oeuvre du grand Le Corbusier. Un habitat de quartier plus humain se déploie.

Malgré des conditions de vie difficiles, une majorité de la population n'y a pas rejeté les valeurs de la République. C'est un miracle. Une récente enquête de l'Institut national de la démographie (Ined), consacrée aux immigrés et à leurs enfants, montre qu'ils croient en l'école. Les filles, plus que les garçons, sans doute. Les originaires d'Asie plus que les immigrés d'Afrique noire, peut-être. Mais l'image caricaturale de jeunes tous aspirés par la délinquance, l'économie souterraine, la débrouille, le petit bizness, est battue en brèche.

La République se doit d'assumer la diversité de ses habitants sans les laisser s'enfermer dans on ne sait quels communautarismes islamiques et autres. La question des banlieues est éminemment politique. Les élus locaux, de tous bords, ambassadeurs des désarrois de leur population, posent les bonnes questions à un pouvoir central bancal. Il a érigé en priorité nationale la rénovation des bâtiments. Très bien. Mais l'action sociale est laissée en jachère au profit d'une politique de la sécurité fonctionnant au coup de poing, par opérations commandos, la police des quartiers ayant été détruite.

Ce fonctionnement de l'État, souligné par des déclarations à l'emporte-pièce du président de la République, destinées à capter un électorat d'extrême droite, détruit d'une main ce qu'il tente laborieusement de reconquérir de l'autre. Ce mode d'emploi politique fait le lit des discriminations, de la xénophobie et du racisme. Il fait le lit d'un populisme dangereusement en plein essor dans toute l'Europe.

Longtemps, la France s'est pensée à l'abri des ghettos à l'américaine. Le modèle d'intégration républicain était un rempart. Le rempart présente désormais des brèches béantes. Chiffre inquiétant de l'enquête de l'Ined : les enfants d'immigrés se déclarent plus souvent victimes de racisme que leurs parents. C'est le racisme qui construit les ghettos. Dans les têtes et dans les coeurs. Comme le dit un élu de banlieue : « Sur l'urbain on a bien avancé, sur l'humain on est en échec. » Mais la République n'a pas le droit de se déclarer impuissante.

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