TOUT EST DIT

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lundi 25 octobre 2010

La Russie, un pas en avant vers l'Europe


Au début des années 1990, juste après l'effondrement de l'URSS, la Russie exerçait une forme de chantage sur l'Occident. « Nous avons le choix entre deux modèles de développement : celui de l'Occident ou celui de la Chine », nous disaient certains dirigeants russes. Autrement dit : si vous exercez trop de pression sur nous au nom de la démocratie nous choisirons le « vent d'Est ».


Aujourd'hui en revanche, la Russie se rapproche de l'Europe, sans doute parce qu'elle n'a pas d'autre choix. Le sommet trilatéral de Deauville entre l'Allemagne, la France et la Russie qui s'est tenu la semaine dernière constitue une étape significative de cette évolution. Il ne s'agit plus pour Moscou de « diviser pour régner ». La guerre froide est derrière elle. Le rapprochement avec Washington a précédé à bien des égards celui avec Paris et Berlin.


Si la Russie se rapproche de l'Occident, c'est tout à la fois parce qu'elle se sent plus forte face à Washington, Paris, Berlin… Mais aussi parce qu'elle se sent irrémédiablement dépassée par la Chine. La Russie a besoin des investisseurs occidentaux, et plus particulièrement européens. Et ces derniers trouvent en la Russie un partenaire de choix. Le régime de Poutine n'est jamais apparu aussi fort.


La parenthèse Medvedev va se refermer en 2012 et personne ne doute sérieusement en Russie que Poutine ne lui succède, c'est-à-dire en réalité ne se succède à lui-même. Moscou ne prend pas de risques et commence à verrouiller des élections que Poutine, très populaire, ne peut que remporter. De la présidence de la République autonome du Tatarstan jusqu'à la mairie de Moscou, des fidèles sont mis en place. Plus sûre d'elle-même, la Russie est aussi consciente des difficultés de l'Amérique et de la faiblesse de l'Union européenne. L'équilibre de la confiance a basculé vers l'Est, mais pas l'Est russe autour de Vladivostok : l'Est chinois. L'évolution démographique constitue une illustration douloureuse de ce problème et le « narcissisme noir » de l'âme russe ne fait que l'amplifier. En Russie, l'excédent des décès sur les naissances est toujours supérieur à 500.000 personnes par an et l'espérance de vie d'un homme russe, toujours inférieure à soixante ans, est plus proche de celle d'un pays africain que d'un pays européen. Au même moment, l'espérance de vie moyenne des Chinois est passée de trente-huit ans en 1960 à soixante-treize ans aujourd'hui.


Pour équilibrer une Chine qui la domine de la tête et des épaules, la Russie se redécouvre européenne. Elle entend même donner des leçons d'énergie et d'ouverture à l'Europe. Kazan, capitale du Tatarstan, est souvent décrite comme « l'Istanbul de la Volga ». Cette ville, qui revendique le statut de troisième capitale de la Russie, a une identité bien particulière. Si Saint-Pétersbourg est le symbole de l'ouverture de la Russie vers l'Ouest, Moscou le siège de la Sainte Russie, Kazan est l'incarnation de la cohabitation pacifique entre le monde musulman et la chrétienté orthodoxe. Au sein du Kremlin de Kazan, une rutilante mosquée construite en 2005 dans un style un peu « Disney World » jouxte quasiment la vieille cathédrale. Et comme à Bangalore, en Inde, des galeries commerciales flambant neuves s'élèvent au-dessus de bâtiments construits après le communisme mais qui conservent encore le parfum du monde des soviets. Et pourtant, au sein de cette ville, qui ne semble être nulle part, dont l'aéroport est vétuste et les écoles internationales absentes, il y a quelque chose comme un frémissement d'espoir. De Moscou à Kazan, la Russie se réveille et se rapproche d'une Europe qui est en train de devenir multipolaire, avec trois centres de gravité, l'un autour de l'Union, le second autour de la Russie et le troisième, sans doute, autour de la Turquie. Ce rapprochement entre la Russie et l'Europe, par le biais de la France et de l'Allemagne, traduit en effet l'entrée dans un monde nouveau, qui n'est plus dominé comme celui d'hier par l'Otan et l'Union européenne. Ce nouveau monde résulte du désengagement relatif de l'Amérique de l'Europe, et du désengagement progressif des grandes nations européennes, derrière la France et l'Allemagne, de l'UE. La Russie a des cartes à jouer dans cette nouvelle configuration des forces en présence.

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