Depuis 2004, le premier président de la Cour des Comptes, décédé ce jeudi, n'a eu de cesse de mettre les gouvernements en garde contre la dérive des finances publiques. C'était le dernier combat de Philippe Séguin.
Philippe Séguin, mort ce jeudi matin, était un obsédé de la dette. Depuis sa nomination comme premier président de la Cour des Comptes en juillet 2004, il n'avait eu de cesse d'alerter les gouvernements sur la lente dérive des comptes publics de la France. En juin 2005 il avait ainsi taclé l'équipe Raffarin : "la croissance pouvait offrir l'occasion d'une action plus en profondeur sur les dépenses, donc sur les déficits et sur la dette", mais sans réforme structurelle, "il y a lieu de craindre que l'amélioration de 2004 ne soit que passagère".
Un peu pessimiste pour le coup : les déficits ont tout de même été réduits pendant trois années consécutives, de 3,6% du PIB en 2004 à 2,3% en 2006. Et la dette avait été contenue, de 64,9% en 2004 à 63,7% en 2006. Sans doute pas suffisamment, pourtant. En 2006, dans un entretien à L'Express, le grizzly martèle sa philosophie : "le problème est probablement plus qualitatif que quantitatif. Si la dette résulte d'un effort d'investissement, bravo! Si, en revanche, elle n'est que le cumul de gestions dispendieuses, elle est à la fois inquiétante en elle-même et un indicateur de ladite mauvaise gestion". Et de poursuivre : "Il ne faut pas se tromper de thérapeutique. Comme dans un régime amaigrissant, le problème n'est pas simplement de résorber l'excès pondéral, mais de trouver les pratiques alimentaires qui empêchent de regrossir".
Avocat des réformes structurelles, Philippe Séguin n'aura eu de cesse de dénoncer les niches sociales et fiscales, qui font perdre chaque année des dizaines de milliards d'euros à l'Etat, et de déplorer les résultats insuffisants de la LOLF, cette réforme budgétaire qui devait permettre de frendre la dépense publique plus efficace. Malgré l'amélioration de la conjoncture, Philippe Séguin reprend donc son bâton de pèlerin en 2007 pour adresser un message aux candidats à l'Elysée, les appelant "à ne pas perdre de vue que la réduction du déficit et de la dette exige un effort durable" et à "amplifier" cet effort.
Il ne sera pas entendu. Avant même que la crise n'éclate, la dérive reprend : même si la dette se stabilise, fin 2007, le déficit gagne 0,4 point, et représente 2,7% du PIB. Dès lors, Philippe Séguin hausse le ton. En 2008, il menace de ne pas certifier les comptes de l'Etat et fustige l'isolement de la France au sein de l'Union européenne. "Il est difficile d'atteindre le soutien de nos voisins si nous sommes les seuls à ne pas nous plier à la discipline commune", prévient-il. Et même s'il défend l'idée d'un plan de relance, rendu nécessaire par la crise du siècle, il persiste et signe en janvier 2009 : "nous ne renoncerons pas à notre message fondamental sur les dangers de la croissance de la dette". Pour lui, la crise n'explique que la moitié du déficit. L'autre partie ? La baisse des impôts et l'incapacité à enrayer la dépense publique comme il le faudrait. Et de prévenir: "Si la maîtrise des dépenses s'avérait insuffisante, une hausse des prélèvements obligatoires serait inévitable". A l'heure où le déficit atteint 8% du PIB et la dette quelque 75%, mais où le gouvernement refuse l'idée même d'augmenter les impôts, les politiques savent quel serait le meilleur hommage à rendre à Philippe Séguin.
jeudi 7 janvier 2010
Philippe Séguin, l'obsédé de la dette
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