TOUT EST DIT

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vendredi 20 novembre 2009

Quelle est cette "chose" qui grandit en moi ?

Donner naissance alors qu'on ne se savait pas enceinte, une situation qui peut paraître incongrue et rare mais qui arrive pourtant dans le cas d'une naissance sur 500 en France. Toutes les 6 heures donc, un enfant est mis au monde alors que sa mère ignorait complètement ou partiellement son existence. On appelle cette pathologie : le déni de grossesse
Les histoires de ces femmes qui n'avaient pas conscience d'attendre un enfant (AFP) étonnent toujours. Le déni de grossesse, même au sein du corps médical, reste d'ailleurs un sujet tabou. " Pour la société, c'est tellement inconcevable que cela en devient inaudible. Avec le déni, ce sont toutes les idées reçues sur la maternité et le fameux instinct maternel qui volent en éclats", souligne la journaliste Gaëlle Guernalec-Levy, auteure, en 2007, d'une enquête sur le sujet (Je ne suis pas enceinte, Stock). Or, cette pathologie honteuse n'est pas l'apanage des jeunes filles ou des femmes mentalement retardées. Les dénis partiels (prise de conscience tardive de la grossesse) ou totaux touchent toutes les catégories sociales, tous les âges et même des femmes qui ont déjà eu un ou plusieurs enfants. Les raisons de ce déni sont multiples mais pourraient dans une grande majorité se résumer par une mauvaise acceptation de la féminité et des changements corporels liés à une grossesse.

Un passager invisible
L'esprit façonnant le corps, aucune caractéristique physique de la grossesse n'est visible. L'enfant du déni sait se faire oublier et se niche généralement vers le haut le long de la colonne vertébrale ou dans les régions abdominales. La future mère ne prend que peu de poids, n'a pas le ventre rebondi, pas de nausée ou de vomissements et peut même avoir ses règles. Le camouflage est si parfait que bien souvent l'entourage proche est lui aussi dupé. Et dans le cas d'un déni total, l'accouchement se révèle être un véritable moment de stupeur, qui peut se révéler dangereux si la mère se retrouve seule et isolée. La femme sidérée ne se rend pas compte de ce qui lui arrive. Une "chose", "de la chair" sort d'elle mais elle ne sait pas quoi en faire. Il n'est donc pas rare que le bébé meure par défaut de soins (10% des cas de dénis de grossesse).

En quête d'une reconnaissance juridique
Ce sont ces histoires de néonaticide ultra médiatisées qui mettent le déni de grossesse en lumière. L'affaire du triple infanticide de Véronique Courjault avait marqué les esprits. Des spécialistes et des associations comme l'Association française pour la reconnaissance du déni de grossesse (AFRDG) militent pour que cette pathologie soit reconnue au niveau juridique. Ce type d'infanticide n'est en effet pas la conséquence d'un geste meurtrier de la mère mais bien d'un incident dû au choc émotionnel provoqué par une naissance-surprise. Or aujourd'hui ces mères du déni sont poursuivies pour "homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans", peine passible de la perpétuité. Les condamnations dans ces affaires sont cependant pour la plupart d'une dizaine d'années d'emprisonnement. Véronique Courjault avait écopé de 8 ans de prison. "Tant que le déni de grossesse ne sera pas reconnu comme une vraie pathologie, on enverra encore des femmes en prison sans raison", estime Gaëlle Guernalec Lévy.

Tous les dénis ne font heureusement pas la Une des rubriques judiciaires. La situation de la mère et de l'enfant n'en est pas pour autant moins tragique car une fois le choc de la naissance passé, encore faut-il pour la mère qui n'attendait, voire ne désirait, pas cet enfant, l'accepter comme sien.
Damien Bouhours

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