Jacques Chirac devrait être le premier ex-chef d'État français à comparaître devant la justice, après son renvoi vendredi devant le tribunal de Paris dans un dossier d'emplois fictifs, dernière en date des affaires politico-judiciaires qui empoisonnent la droite française.
Jacques Chirac, protégé pendant 12 ans (1995-2007) par sa fonction à la tête de l'État puis redevenu justiciable ordinaire, sera jugé pour «détournements de fonds publics» et «abus de confiance» pour 21 emplois de complaisance présumés payés par le cabinet du maire de Paris, fonction qu'il a occupée de 1977 à 1995. «Pourquoi chercher à le blesser maintenant ? Pourquoi porter atteinte à la fonction présidentielle ? Pourquoi encourager ceux qui s'attaquent à l'image de la France ?», s'est interrogé son ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
La droite française et sa principale composante gaulliste sont sous le choc des affaires.
L'ordonnance de la juge d'instruction Xavière Siméoni intervient alors que les Français viennent d'assister à deux procès retentissants qui sont aussi ceux des turpitudes de leur classe politique. Dans les deux cas, l'ombre de Jacques Chirac a plané sur les débats.
Dans l'Angolagate, le procès fleuve d'une vente d'armes à l'Angola dans les années 90, l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, un de ses anciens proches, a été condamné à un an de prison ferme, en même temps que 35 autres personnes. Il a demandé la levée du secret-défense, en assurant que Jacques Chirac était parfaitement informé de l'affaire.
Dans le procès Clearstream, qui a pris fin le 23 octobre, c'est son dernier premier ministre, Dominique de Villepin, qui s'est retrouvé au centre de l'arène judiciaire, accusé d'avoir participé à une machination visant à discréditer Nicolas Sarkozy. Le jugement sera rendu le 28 janvier.
L'actuel président français a déclaré vendredi qu'il ne pouvait «faire aucun commentaire» sur le renvoi de Jacques Chirac, avançant le «principe de la séparation des pouvoirs».
Le parquet, représentant le ministère de la Justice, avait requis un non-lieu général fin septembre dans cette affaire, ce qui suggère que le gouvernement n'était guère favorable à un procès.
Le système des «emplois fictifs», sur lequel M. Chirac va devoir s'expliquer, lui permettait de rémunérer sur le budget de la mairie de Paris des «chargés de mission» qui n'y avaient en réalité aucune activité.
Parmi les bénéficiaires, on trouvait par exemple le petit-fils du Général de Gaulle, Jean de Gaulle, mais aussi François Debré, frère de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Uniquement des proches de M. Chirac.
Dans son ordonnance, Xavière Simeoni explique que M. Chirac a «eu une action déterminante» dans «la conception et la mise en place d'agents dits chargés de mission à la mairie dès 1977», et ce pour pour «asseoir (son) influence politique» et celle de son parti «sans bénéfice pour la communauté des Parisiens».
Jacques Chirac, 76 ans, doit répondre de «21 supposés emplois fictifs sur les 481 emplois examinés par la justice, ce qui exclut toute idée de système», s'est défendu son bureau dans un communiqué.
M. Chirac «est serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif», a fait savoir son entourage.
Semi-retraité après plus de 40 ans de vie publique, M. Chirac est très populaire en France. Il se consacre désormais à une fondation oeuvrant au développement durable et au dialogue des cultures.
La décision de la juge a été qualifiée de «légitime» par l'opposition de gauche, alors que le parti UMP au pouvoir a regretté l'«épreuve douloureuse» infligée à l'ex-président. Selon la loi, il risque jusqu'à 10 ans de prison et 150.000 euros d'amende.
dimanche 1 novembre 2009
Chirac renvoyé devant la justice
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