TOUT EST DIT

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jeudi 28 février 2013

Insécurité et prisme idéologique


Le refus de voir la réalité de l’insécurité en face procède d’une conception matérialiste réduisant le lien social aux rapports économiques.
Si les criminologues s’accordent généralement sur la classification des différents types de délinquance (distinction entre violence sociale et sociétale, par exemple), ils divergent plus souvent sur l’analyse des causes conduisant à l’infraction pénale. Deux types d’explications sont couramment présentés, l’un s’appuyant sur des considérations économiques et sociales, l’autre sur des critères culturels et moraux.
Pour le premier courant, le niveau de violence dans une société serait déterminé par la nature des rapports économiques ; l’individu se considérant comme exclu exprimerait une violence en réaction à l’exploitation qu’il subirait. L’infracteur est donc considéré comme une victime de la société. Il a certes troublé l’ordre public, mais celui-ci est injuste. L’infraction pénale est analysée comme une réaction à l’inégalité sociale ; elle est, pour le moins, très largement excusable : l’acte pénalement condamnable est appréhendé comme la conséquence d’une forme d’état de nécessité. La délinquance est perçue comme une résistance à une société inique, l’infracteur se voyant parfois promu au rang de militant politique.
A l’opposé, une autre analyse considère que le milieu social et l’infraction pénale ne sont pas intrinsèquement liés. En effet, selon la “culture de l’excuse”, l’espace rural (qui a pu être qualifié de territoire de “relégation” sociale) devrait être extrêmement propice à la délinquance. Or, les chiffres ne corroborent nullement cette hypothèse. L’écrasante majorité des ménages pauvres vit hors des quartiers dits “sensibles”. En outre, les victimes ressemblent socialement à leurs agresseurs : elles sont, le plus souvent, des proches ou des voisins vivant dans les mêmes conditions qu’eux. S’il peut donc y avoir des corrélations (recours à la “débrouille”), il n’existe pas de relation de cause à effet entre la précarité sociale et les phénomènes d’insécurité et de violence.
Si les formes de la délinquance ont pu varier avec les époques, son fondement est resté le même : il réside dans la conjonction de la vulnérabilité (des personnes et des biens) et de la faiblesse ou de l’absence de contrainte morale et culturelle. La délinquance manifeste une déstructuration (résultant d’une défaillance de l’éducation) d’une personne se révélant incapable de supporter des frustrations. Les analyses psychologiques vont dans le même sens. Plus le stock verbal est limité, plus l’individu est susceptible de devenir violent quand, confronté à une situation délicate (angoisse, convoitise), il ne dispose plus du “pouvoir du verbe” pour l’analyser et la dominer. De même, étant donné que les valeurs auxquelles adhèrent les individus orientent leurs actes, moins la personne est culturellement assimilée au corps social, moins elle sera encline à respecter l’ordre public porteur de l’identité du groupe.
C’est dans le cadre de cette alternative idéologique que se pose la question de la relation entre immigration et insécurité. Certains analystes refusent d’établir un quelconque rapport. Leur argumentaire relève de la pensée qui explique (voire justifie) les infractions pour des raisons économiques. Le dominé n’aurait fait que changer de visage : ce ne serait plus l’ouvrier mais l’immigré. À l’inverse, pour d’autres auteurs, c’est le déficit d’adaptation culturelle qui est central dans la naissance de la délinquance. Ainsi, la difficulté, voire le refus d’assimilation de nombre d’immigrés, serait-elle la cause réelle de leur inadaptation sociale (notamment scolaire) et, par contrecoup, de la délinquance de certains d’entre eux. Il est vrai que rompre avec certains comportements culturels pour en adopter d’autres — sans quoi il n’y a pas de véritable assimilation sociale — est sans aucun doute très délicat. Le “creuset républicain” pourrait-il se révéler, au moins dans un certain cas, un mythe ?
Dans le fond, nombre de politiques refusent de voir la réalité de l’insécurité en face parce qu’ils sont prisonniers d’une idéologie matérialiste réduisant le lien social aux rapports économiques et négligeant l’aspect central de la culture dans la cohésion de la société.

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