TOUT EST DIT

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jeudi 28 février 2013

Une France sénile sans être vieille ?


Lorsqu’une société est jeune, elle a tendance à alterner des principes autant brillants qu’extrêmes, autant attirants qu’illogiques. C’est le propre de l’adolescence, elle qui est sempiternellement en quête d’un idéal. Il en va de même pour la vieillesse qui présente parfois des troubles mentaux séniles intraitables.

Selon la conception organiciste, il se fait que les mécanismes sociaux en jeu s’expliquent de la même façon que s’expliquerait, par exemple en psychiatrie, l’attitude d’un individu. Peut-on, partant de ce principe, tirer au clair les malaises de notre Vème République dont les incohérences socio-éthiques semblent atteindre leur apogée ?
La France est vieille, c’est un fait. Mais elle a encore un sacré bout de chemin à faire pour rattraper des cultures autrement plus anciennes. Si en plus on considère qu’une culture se formalise et se définit au moyen de la langue et que le français n’a été reconnu langue officielle qu’en 1539 par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, on pourrait en conclure que oui, sans conteste, la France est jeune à sa façon.
Or, voici qu’on se perd en diagnostics les uns plus savants que les autres en essayant de cerner les innombrables bizarreries qui la tourmentent et qui se traduisent de deux façons.
- Au moyen du déni identitaire comme si c’était une tare que d’être Français et d’être fier de son histoire. N’en déplaise aux bons Samaritains voulant faire de la France un organisme artificiel juché sur le frêle perchoir du droit-de-l’hommisme, on ne peut être Français en s’exemptant d’un héritage judéo-chrétien enraciné dans cet espace éthique soigneusement clôturé qui le caractérise.
- Au moyen d’un jeu sur les notions qui s’apparente à un jeu de miroir. Je me regarde dans la glace prétendant être un tel ou une telle et j’y vois quelqu’un d’autre. Qui plus est, cet autre change de jour en jour, comme s’il se défaisait d’un masque encombrant et démodé pour en essayer un autre. Alors qui suis-je ? Les mœurs évoluent non pas selon le principe de la rectification et (ou) de l’ajout, mais selon celui du rejet de l’essence au nom de l’existence provisoire de x valeurs. On est en plein dans le post-modernisme avec tout son relativisme, son déconstructivisme, son dégoût naturel des conventions. Ce n’est plus du Platon mais ce n’est plus aussi du Sartre, ces deux-là s’étant interrogés leur vie durant sur l’interaction de l’existence et de l’essence. La société actuelle est une société privée d’essence, donc insensée.
Voyons ce qu’il en est en pratique de ces deux facettes.
Lorsqu’en décembre dernier les grands marchés de Noël tel celui d’Amiens furent débaptisés au nom du politiquement correct sous prétexte que les musulmans résidant sur le territoire se sentaient lésés dans leur sentiment religieux, un député de la gauche a renchéri en formulant la remarque suivante : « Il faut savoir ce qu’on veut. Si on veut une société laïque et dire non à tous les communautarismes pour défendre la République, il faut passer par là ». Bon, nous avons ici un rapprochement qui s’opère entre laïcité et rejet de la tradition sous toutes ses formes, rapprochement d’autant plus inquiétant qu’il reflète d’une façon générale l’idéologie gauchiste aujourd’hui au pouvoir. Ce raisonnement, même s’il peut s’imposer comme logique au premier abord, pêche en deux points fondamentaux.
De un, le message évangélique qui a cimenté notre culture et, plus largement, notre civilisation, est déjà imprégné de laïcité. Il est clairement dit : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu (Matthieu, XXII, 21). Il y a donc séparation des pouvoirs terrestre et divin, par conséquent, séparation du terrestre en tant que tel et du divin. Nulle contradiction.
De deux, je pousserais bien ma fantaisie jusqu’à me demander ce qu’il en serait lorsque ce député épris de l’idéal républicain viendrait frapper aux portes de la mosquée centrale de Paris en demandant à son imam de déguerpir en toute vitesse au nom de l’entité laïque. Cette image peut faire sourire, pourtant, elle n’est que la suite logique de ce que devrait faire le député en question.
Je crois donc que la sottise mariée à la mauvaise foi – car je ne saurais qualifier autrement cette réforme soi-disant nominale de nos chers marchés – mine notre culture d’une façon encore plus inexorable que ne l’aurait miné une guerre, si sanglante qu’elle fût. C’est dans un article passionnant d’Eric Lemaître consacré aux inconvénients du mariage gay que j’ai retrouvé cette exhortation d’Albert Camus qui vaut particulièrement à l’heure qu’il est : Les générations qui nous précèdent ont fait la civilisation, il incombe à la nôtre de l’empêcher de se défaire.
Néanmoins, c’est ce que font nos gouvernements au nom de valeurs spectrales ou mythiques. Leur portée ne dépasse guère le champ verbal. J’en déclinerai les manifestations les plus patentes.
On invoque comme on invoquerait un dieu l’idéal démocratique qui, au demeurant, devrait défendre le droit d’une nette majorité. C’est pourtant le contraire que nous observons à travers la nouvelle loi sur le mariage pour tous. 48 pr. de contre, c’est presque une bonne moitié d’opposants à une mesure qui vient renverser les vestiges de notre civilisation. On apprend ainsi que le Conseil économique social et environnemental a déclaré irrecevable une « pétition de quelques 690.000 signatures » contre le mariage homosexuel. Les membres du Conseil n’avaient pas dit qu’ils étaient contre le fond de la pétition. Ils avaient juste constaté leur incapacité juridique à dire NON. Conclusion : il suffit d’un simple chiffre pour trancher sur une question d’ordre universel. Pas de référendum supplémentaire. Mépris des arguments présentés dans les traités, dans les médias, mépris du bon sens, en fin de compte. Voici comment une démocratie peut devenir totalitaire en se cramponnant à des oxymores pour le peu schizophréniques.
Deuxième exemple frappant : la liberté de conscience et d’expression, toutes deux fixées depuis belle lurette par la Constitution, consiste à dire et penser ce qui doit se dire et être pensé. De ce point de vue, on était bien libre sous l’URSS ! Combien y –a-t-il en France de médias donnant un autre éclairage de la campagne yougoslave, un autre éclairage des deux guerres en Tchétchènie, un autre éclairage des origines géopolitiques de l’UE etc. ? Je ne veux pas parler des sources marginales ou plutôt marginalisées telles qu’AgoraVox ouAlterinfo. Je ne veux pas non plus parler de sites tels le réseau Voltaire fondé par Thierry Meyssan. A ce titre, je vous raconterai une petite anecdote tirée de mon expérience épistolaire sur facebook. J’avais, à l’époque des années lycée, un camarade de classe absolument brillant qui par la suite a fait Sciences Po. On avait très vaguement gardé contact, sans plus. Or, voici que cette lointaine connaissance s’était subitement manifestée. Cela, à deux reprises : juste après les élections russes pour me démontrer que je ne comprenais rien à la personnalité de Poutine et que la Russie était au bord du gouffre. J’avais alors essayé de lui présenter le problème sous un angle moins unilatéral, ce qui a suscité chez lui une réaction curieusement agressive suivie d’un brusque abandon de la polémique ; juste après le discours anti-Bachar de Fabius, lorsque ce jeune professeur de Sciences Po s’était borné à crier au loup en évoquant les tendances dictatoriales du Président syrien. Soucieuse d’élargir une polémique qui pourtant était d’emblée condamnée, je lui avais envoyé l’article d’un islamologue de renommée tiré du réseau Voltaire. Réaction de M. X : « Meyssan, c’est le mec qui a dit qu’il n’y a jamais eu d’avions au-dessus du Pentagone ?». Je lui répondis avec beaucoup de patience. Même résultat : la personne a tout de suite abandonné la conservation. Vous imaginez à quel degré cet universitaire est matraqué pour tenir des propos de … perroquet ? Le formatage des médias fait pendant au remodelage des cerveaux. En dehors de cela, tout le monde est libre !
Troisième et dernier exemple. Ces vingt dernières années, on assiste à une véritable stigmatisation de notions telles que le patriotisme, notion jugée obsolète, réductionniste, voire nuisible puisqu’amalgame est faite entre nationalisme d’obédience facho et amour de sa patrie. Les mœurs évoluent, nous dit-on. C’est vrai et faux en même temps. C’est vrai, car le temps entraîne à sa suite nos états d’esprit. C’est faux dans la mesure où l’évolutionnisme se conçoit sous un angle négationniste et que cette optique est en soi stérile. On ne peut pas bâtir une culture en gommant des points de repère immuables. Le paradoxe est tel que nos antinationalistes vont combattre sur des territoires étrangers ce nationalisme qu’ils ont pris en grippe jusqu’à y asseoir des gens absolument charmants d’obédience al-Qaidienne. Le même schéma se retrouve en France. Nos gouvernements chassent l’esprit national pour favoriser l’éclosion d’un soi-disant nationalisme arabe qui en réalité recèle une onde islamiste de plus en plus forte.
On désespère de trouver une logique à toutes ces aventuresidéoillogiques d’une Vème République tour à tour sarkoziste et hollandaise qui se retournent de plus en plus notablement contre elle.
La France n’est pas vieille, mais, nom de Dieu, elle semble régie ces dernières années par un gouvernement sénilement aliéné … ou schizophrène.

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