vendredi 11 février 2011
Les risques du direct
Sans sous-estimer son talent télévisuel, Nicolas Sarkozy avait, hier soir, autant à perdre qu'à gagner dans sa franche confrontation avec les Français.
Premier risque, la concurrence de l'actualité. Entre le retrait du président égyptien, les vacances hasardeuses de Michèle Alliot-Marie et les protestations des magistrats et des enseignants, le moment pour repartir à la conquête de l'opinion était pour le moins délicat.
Au lieu de cela, l'affaire Laëtitia et la grève des magistrats lui fournissent l'occasion d'une très longue explication, sur un mode compassionnel, de rectifier son propos sur les personnels judiciaires et de détailler la hausse des moyens. L'affaire des voyages ministériels, évoquée comme une question parmi d'autres, lui permet, sur le ton de l'humilité, de reconnaître des faiblesses.
Second risque, la lassitude. Quatre ans d'omniprésence médiatique banalisent le discours. Confronté à une cristallisation de ses oppositions et à un élargissement de la fracture entre le peuple et l'élite ¯ ce que révèle l'émoi autour des voyages ministériels ¯ il lui faut tenir un discours convaincant.
Reconnaissons qu'il sait faire. Sa rhétorique, ses affirmations chiffrées ¯ parfois trop chiffrées ¯ sa connaissance des hommes, des métiers et des lieux, son mélange d'humanité et de fermeté lui permettent d'épouser la cause de son interlocuteur. D'oser des complicités. De convaincre durablement ?
Troisième risque, le brouillage de son image. Depuis quelques mois, dans la perspective de 2012, il avait organisé un nouveau partage des rôles : à lui les grandes manoeuvres internationales à la tête du G20 qu'il a lui-même initié ; à François Fillon les joies de la gestion domestique.
Or, voici que Nicolas Sarkozy reprend le costume de poly-ministre : de l'Intérieur (réformer le tribunal des enfants, la relation laïcité-religions), de l'Industrie (il récite la navale par coeur), de l'Emploi (500 millions de plus), de la Santé... À vouloir se montrer trop proche, voici, sous le costume présidentiel, que réapparaît le Premier ministre. À nouveau ¯ mais c'est la règle de l'émission ¯ il concentre sur sa seule personne tout ce qui est mis au débit de sa politique.
Quatrième risque : l'effet pervers des promesses. À multiplier les annonces, le Président admet, en creux, tout ce qu'il n'a pas fait, tout ce qui ne va pas dans le pays, malgré une prolifération législative qui change peu la vie quotidienne.
Mais ces engagements obligent à reconnaître les échecs en matière de récidive, de violences des mineurs, de hausse des taxes, de chômage. Les Français comprennent intuitivement qu'on ne pourra plus se contenter de réponses classiques pour améliorer la justice, l'emploi, la sécurité ou l'école. À trop déplorer les défaillances de nos organisations, on se demande comment ce qui n'a pas été réussi, en quatre ans, le serait dans les quinze mois qui viennent.
L'Élysée fait le pari qu'à force d'explications et de meilleurs indices économiques, cette pédagogie finira par infuser et réduire l'écart entre les chiffres et le ressenti des Français, d'ici à la présidentielle. Quinze mois, c'est court. Cent vingt minutes d'émission aussi !
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