lundi 6 décembre 2010
Les moulins dorés
Un footballeur français se prend pour don Quichotte : le grand Cervantès s'en retourne de plaisir dans son cimetière madrilène. Les banques sont ses moulins, l'Internet sa lance et son chimérique combat pour faire sauter le système spéculatif est aussi vain et sympathique que celui de l'ingénieux hidalgo de la Mancha. Sincère, pourquoi en douter, l'indignation d'Éric Cantona a entraîné dans ses envies de carton rouge des milliers de citoyens disposés à s'insurger contre l'injustice des pratiques financières abusives. Sans la moindre sanction et avec l'onction des États vaches à lait, les bonus abracadabrantesques reprennent au mépris des dégâts qu'ils ont causés à l'économie et de la récession qu'ils ont provoquée.
Le coup de gueule spontané a le mérite de mettre en lumière l'exaspération de ceux qui peinent à boucler les fins de mois quand d'autres font du profit en prêtant de l'argent à des gens insolvables. Mais la méthode préconisée est bien illusoire et archaïque. Même si elle confirme l'aura du théâtral sportif, la ruée sur les banques ne ferait rien d'autre qu'ajouter encore aux difficultés de ceux qui souffrent. Et les plus punis ne seraient bien sûr pas les banquiers renfloués. Au contraire, suprême impudence, ils n'attendaient que la fin de l'orage pour demander la mise en oeuvre de plans d'austérité pour éponger leurs dettes.
Éric Cantona fait la preuve qu'il est un leader d'opinion. Il est aussi un bateleur milliardaire qui a fait fortune sur les billets achetés par les spectateurs chômeurs et oublie que la vraie punition serait de retirer les placements, bien plus que les petits comptes courants. La colère de ceux qui ont de l'argent ne pèse pas lourd face à la détresse et à la révolte de ceux qui ont faim, matin, midi et soir.
Ce qui menace les banques c'est la spéculation contre l'euro et les déficits des États, bien plus que les actions d'indignation citoyenne. Et ceux qui affirment que le choix est désormais de sortir de l'euro ou de sortir des 35 heures contribuent plus à affaiblir la confiance dans notre monnaie que les saltimbanques gouailleurs et énervés.
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