TOUT EST DIT

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lundi 6 décembre 2010

Elena Salgado : «L'Europe doit parler d'une seule voix plutôt que d'engager de nouveaux moyens»

La ministre de l'Economie et vice-présidente du gouvernement espagnol défend les fondamentaux de l'économie ibérique, et invite les Européens à avancer vers une intégration économique et fiscale. 

Le dispositif européen de stabilité financière est-il à vos yeux suffisant ?

 Il est trompeur de raisonner en termes purement quantitatifs. Nous avons agi d'une certaine manière pour aider la Grèce, d'une autre pour l'Irlande. Il faut maintenant évoluer vers un mécanisme permanent. Les marchés doivent savoir que les institutions et les pays européens feront tout pour la stabilité de l'euro. Injecter des moyens supplémentaires dans le dispositif n'est pas la question du moment. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de faire preuve de clarté, de détermination et de coordination. L'Europe doit parler d'une seule voix dans cette crise plutôt que d'engager des moyens financiers supplémentaires..

Il est trompeur de raisonner en termes purement quantitatifs. Nous avons agi d'une certaine manière pour aider la Grèce, d'une autre pour l'Irlande. Il faut maintenant évoluer vers un mécanisme permanent. Les marchés doivent savoir que les institutions et les pays européens feront tout pour la stabilité de l'euro. Injecter des moyens supplémentaires dans le dispositif n'est pas la question du moment. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de faire preuve de clarté, de détermination et de coordination. L'Europe doit parler d'une seule voix dans cette crise plutôt que d'engager des moyens financiers supplémentaires..

En matière de coordination, vous avez critiqué Angela Merkel sur l'éventuelle implication des créanciers privés dans la gestion des risques souverains …

Je n'ai jamais mentionné l'Allemagne, ni la Chancelière. J'ai simplement souligné que le fait d'être resté quatre semaines sans préciser ce signifiait l'implication des créanciers privés a été source d'incertitude et n'a pas servi à faire cesser les turbulences. Si cela avait été clair depuis le début, nous n'aurions pas eu à communiquer à Séoul, lors de la dernière réunion du G20. Sur le fond, je suis opposée à l'implication des créanciers privés ex ante. Cette option n'a d'ailleurs pas été retenue. Plus globalement, on étudiera la situation au cas par cas.

Jose-Luis Zapatero a déclaré il n'y a pas si longtemps que la crise était finie. Que s'est-il passé entre temps ?

Si nous revenions sur tout ce que nous avons dit de la crise… Un jour, quelqu'un en fera un roman. Rappelons que la plus forte baisse du PIB comme le plus fort recul de la consommation, se sont produits en premier trimestre 2009. On pouvait donc penser au printemps de l'année dernière que le pire était passé. Cela était vrai seulement en termes de diminution de l'activité. Il nous restait encore à essuyer une seconde crise financière, une crise de la dette, une période d'instabilité et une autre crise de la dette. Nous sommes toujours dans une période d'instabilité.

Croyez vous que la crise de la dette et de la monnaie soit le fait de la spéculation internationale ?

C'est un peu la main invisible. Il y a en effet de la spéculation contre l'euro. Mais cela ne doit pas dicter notre action. En Europe, nous avons détecté des problèmes de gouvernance et de régulation du secteur financier. Nous tardons trop à donner des réponses à ces problèmes. Nous sommes seize pays dans la zone euro, vingt-sept pays dans l'Union européenne. Ce n'est pas facile de prendre des décisions. Nous n'avons pas une gouvernance économique à la hauteur de notre position de première puissance économique mondiale.

Faut-il en déduire que l'Europe doit enclencher l'unification fiscale ?

Nous devons d'abord réduire les déséquilibres économiques internes à la zone euro. En ce moment, je ne crois pas possible une harmonisation fiscale complète. Une union fiscale ne s'improvise pas. Certains pays qui doivent réduire leur déficit pour se conformer avec le Pacte de stabilité y parviendront en 2013, et certains en 2014. Nous serons toujours, à ce moment, en train d'assimiler les effets de la plus grande crise économique depuis 70 ans. Nous sommes déjà en train de renforcer le G20 en tant que gouvernement économique mondial. L'Union européenne ainsi que les grands pays de l'UE, dont l'Espagne, y participent. Ce processus d'union fiscale européenne doit se faire avec les yeux ouverts sur les changements qui se produisent dans l'environnement économique mondial. En 2004, l'Espagne exportait plus vers Andorre qu'en Chine. Néanmoins, à plus long terme, nous devons en effet avancer vers une plus grande intégration économique et fiscale.

L'Espagne a-t-elle demandé à la BCE d'assouplir d'avantage sa politique monétaire ?

Lorsqu'on dit « Espagne », il ne s'agit pas forcément du gouvernement. Pour ce qui nous concerne, nous avons des voix très écoutées, comme celle de l'ex-président Felipe Gonzalez, et aussi des experts et des chefs d'entreprises. Le gouvernement espagnol, lui, est respectueux de l'indépendance de la BCE. L'institution a démontré qu'elle savait comment réagir, et nous sommes certains que cela continuera. La plus grande contribution de la Banque centrale ces deux années de crise économique a été d'apporter au système financier des facilités de liquidités. Les banques espagnoles en peuvent en bénéficier jusqu'à 130 milliards d'euros. A ce jour, elles en ont usé seulement à hauteur de la moitié, soit 75 milliards d'euros.

L'Espagne va-t-elle participer à la garantie des capitaux levés pour l'Irlande via le Fonds européen de stabilité financière?

Absolument, à hauteur de notre quote-part réglementaire, 12,48%.

Ferez-vous appel au mécanisme international d'aide financière ?

Non. Aucun de nos fondamentaux ne le justifie. La Grèce a pâti d'un déséquilibre important de ses comptes publics pas uniquement dû à la crise. Entre 2006 et 2008, l'Espagne a dégagé des excédents budgétaires. En Irlande, les difficultés relèvent du système bancaire. Quelque 95% des banques espagnoles ont passé les « stress tests » de la BCE, contre 50% en Irlande. Notre industrie financière a nécessité des fonds propres additionnels équivalents à 1,1% du PIB, contre un pourcentage supérieur à 20% du PIB irlandais pour les banques de ce pays.

Votre Fonds de restructuration du secteur bancaire (FROB) est-il suffisant ?

Pour comprendre la situation du secteur bancaire espagnol, il faut se rappeler que nous avons subi une crise du secteur financier dans les années 1993-1994. En décembre 1993, la Banque d'Espagne a dû intervenir pour sauver l'une des principales banques espagnoles. A ce moment,-là nous avons renforcé la supervision ainsi que le fonds de garantie du secteur, financé par les banques elles-mêmes. Les projets européens actuels de création d'un fonds de résolution pour les futures crises ressemblent beaucoup à notre fonds. La Banque d'Espagne a ordonné aux banques d'inscrire à leurs bilans des provisions importantes. Celles sur les actifs immobiliers ont été portées à 33% et à 50% dans le cas du foncier. Les stress tests européens des banques espagnoles ont été très exigeants, intégrant une hypothèse de perte de valeur de 70% sur le foncier, de 45% sur le logement résidentiel. Les établissements financiers ont utilisé une bonne partie de leurs bénéfices dégagés cette année pour constituer ces provisions. Comme tout cela n'est pas habituel en Europe, nous avons dû beaucoup l'expliquer, et nous continuons à le faire.
Les stress tests bancaires ont de plus été très exigeants dans le cas de l'Espagne, avec par exemple des hypothèses de perte de valeur de 70% sur le foncier, de 45% sur le prix des logements, et d'un environnement économique général récessif. Et même avec ce scénario, les tests ont été passés avec succès. A partir de 2011, les banques et les caisses d'épargne vont enfin devoir détailler trimestriellement leurs actifs immobiliers et les provisions afférentes. Quant au FROB, sa capacité est de 99 milliards d'euros, dont seuls 11 milliards ont été mobilisés jusqu'ici. Compte tenu du taux de prêt de 7%, il y a peu de risque que ce dispositif soit utilisé sans nécessité. La situation espagnole est donc très différente de celle d'autres pays de la zone euro. Mais nous savons que nous allons devoir le répéter, encore et encore.

Quels sont les autres points à améliorer de l'économie espagnole ?

Même si nous avons nos propres déséquilibres, l'économie espagnole est très diversifiée. Le poids de l'immobilier résidentiel était de 4 points supérieur à la moyenne européenne. Ensuite, un marché du travail très rigide. La construction a supprimé un million d'emplois, correspondant à la moitié de des nouveaux chômeurs depuis la crise. Le déséquilibre du bâtiment s'est corrigé de lui-même : le nombre d'habitations en construction est très inférieur à la demande. Le stock va donc se réduire. Quant au marché du travail, nous sommes en train de le réformer. Enfin, le dernier train de mesures d'économies proposées par le gouvernement va permettre l'accélération de la réduction des déficits publics. Nous avons déjà réduit le déséquilibre de la balance des paiements de moitié en deux ans. Nous avions une nécessité de financements extérieurs de 9%, et nous sommes maintenant en dessous des 5%.

La crise immobilière espagnole est-elle finie ?

La crise est terminée mais elle laisse un stock important. Et le stock le plus important concerne les logements secondaires. Mais c'est assez normal, car je rappelle que plus de 80% des Espagnols sont propriétaires, ce qui, à terme, est une bonne chose.

Allez-vous réviser votre prévision croissance pour l'année prochaine, compte tenu du plan de rigueur mais aussi de développement que le gouvernement espagnol vient d'annoncer ?

Nous avons une prévision de croissance de 1,3% pour 2011. L'OCDE dit 0,9%, la Commission européenne 0,7%. Nous croyons que nous pouvons maintenir notre prévision. Nous pensons qu'il y a de la marge du côté de la consommation privée. On dit que la dette privée espagnole est élevée, mais si l'on regarde de près, la dette des ménages est dans la moyenne de la zone euro, la dette des entreprises financières est en revanche sous la moyenne, et celle des entreprises non financières un peu au-dessus. Je rappelle que la Commission, qui était au départ plus sévère que le gouvernement pour l'année 2010, est désormais plus optimiste.

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