le défi de Pékin
Les Chinois ont eu un drôle de cadeau pour Noël. Le 25 décembre, la Banque centrale de Chine a tout simplement décidé de relever ses taux d’intérêt. C’est vrai que les Chinois n’ont pas le même calendrier que nous - ils fêteront le Nouvel An le 3 février. Et ils n’ont pas la même économie - la leur est en surchauffe alors que la nôtre est proche du gel. Avec une croissance qui dépasse 10%, l’inflation est à plus de 5% et devient la première priorité chinoise.
Pour lutter contre l’inflation, le gouvernement chinois a d’abord relevé le taux des réserves obligatoires, c’est-à-dire l’argent que les banques doivent conserver dans leurs comptes quand elles font des prêts. Mais ça n’a pas suffi. Pékin a donc décidé samedi de relever les taux d’intérêt après l’avoir déjà fait il y a moins de trois mois. Le taux d’intérêt plancher pour un prêt est désormais de 5,8% contre à peine 1% dans la zone euro et encore moins aux Etats-Unis ou au Japon.
Cette vigilance face à l’inflation peut surprendre dans une dictature. Mais les autorités chinoises écoutent le peuple très attentivement. D’où une politique très favorable à la croissance, plus que dans tout autre pays. L’accélération des prix risque cependant de doucher l’enthousiasme chinois. Il y a deux catégories qui flambent. D’abord, les prix alimentaires, qui ont augmenté de près de 12% en un an : les plus pauvres sont ici les plus concernés. Ensuite, il y a les prix de l’immobilier. Et là ce sont les classes moyennes, en plein essor là-bas, qui sont frappées.
Les pauvres et les classes moyennes : il était urgent d’agir. Le Premier ministre en personne, Wen Jiabao, a d’ailleurs annoncé dimanche la décision de bâtir 10 millions de logements sociaux l’an prochain. Même pour la Chine, ça fait beaucoup !
Mais Pékin risque d’avoir du mal à casser l’inflation. Pour reprendre une image classique chez les économistes, l’inflation, c’est comme le dentifrice : une fois que c’est sorti, c’est difficile à faire rentrer dans le tube. Or on a beaucoup appuyé sur le tube. Pékin a injecté des centaines de milliards d’euros dans l’économie chinoise en 2009 pour éviter la récession. Et puis l’accumulation d’énormes réserves de change, qui dépassent les 2.500 milliards de dollars, se traduit mécaniquement par de la création de monnaie, qui vient aussi nourrir la hausse des prix.
Il y a bien une solution pour maîtriser l’inflation. Elle donnerait du pouvoir d’achat aux Chinois en faisant baisser certains prix. Cette solution, c’est une réévaluation du yuan, la monnaie chinoise, qui ferait baisser les prix des produits importés. Jusqu’à présent, le gouvernement chinois s’y est résolument opposé, notamment sous les conseils amicaux des industriels et des distributeurs occidentaux qui font fabriquer à bas prix en Chine. Mais je prends le pari que Pékin finira par choisir cette voie de la sagesse. Et ça sera un changement majeur.
Depuis quinze ans, la Chine exportait de la déflation, des pressions à la baisse sur les prix. Demain, elle va exporter son inflation pour mieux s’en débarrasser. Les entreprises françaises auront sans doute moins envie de délocaliser là-bas, et c’est une bonne nouvelle. Mais les consommateurs français, c’est-à-dire vous et moi, allons devoir payer plus cher tout ce qui est made in China. Et si vous avez regardé les étiquettes des jouets au pied du sapin, vous savez que nous achetons beaucoup, beaucoup de choses made in China.
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